À la tête pour la première fois du Comité de politique monétaire (FOMC) à compter de demain, la nouvelle présidente de la Réserve fédérale (Fed), Janet Yellen, devra soupeser les risques que font peser les résultats du référendum en Crimée sur l'économie mondiale et les conséquences d'une météo exécrable sur la croissance américaine.

La probabilité est bien faible qu'il soit fait mention des premiers dans le communiqué annonçant sans doute la reconduction des deux volets de la politique monétaire en cours. La Fed commente rarement de manière explicite la situation internationale, bien qu'il lui soit arrivé de s'inquiéter de l'instabilité des marchés financiers.

À n'en pas douter, les autorités monétaires en tiendront compte dans leur évaluation de la situation. Certains pourront même l'exprimer en livrant leurs nouveaux pronostics de croissance, du chômage et de l'inflation, comme c'est le cas au cours des réunions de mars, de juin, de septembre et de décembre du FOMC, aussi marquées par une conférence de presse de sa présidente.

En revanche, les communiqués qui suivent les réunions commencent toujours par une appréciation des derniers rebondissements économiques. Ainsi, dans celui du 29 janvier, le dernier rédigé sous la conduite de Ben S. Bernanke, on peut lire que «la croissance de l'activité économique s'est améliorée au cours des derniers trimestres».

Ce ne sera pas le cas durant le trimestre qui s'achève sur un hiver qui multiplie sautes d'humeur et barouds d'honneur. Mais comment apprécier la morsure du froid sur la croissance, le poids de la neige sur la construction ou le transport?

Une étude menée par le Bureau of Economic Analysis et citée la semaine dernière par les économistes de la CIBC évalue à 0,5 point de pourcentage l'effet d'un froid exceptionnel sur la croissance annualisée en hiver et à 0,25 point celui d'un excès de neige. Comme les deux phénomènes se sont combinés cet hiver, le «taxage», pour employer un jargon d'école, pourrait atteindre 0,75 point.

Cette entrave devrait en revanche avoir un effet propulseur de même amplitude au deuxième trimestre.

Bref, le premier trimestre sera plus faible que les 2,4% mesurés au dernier de 2013, à cause de la sévérité de la météo.

Les informations dont disposent les membres de la Fed pourraient aussi indiquer que la météo n'a pas été le seul facteur marquant du trimestre. Si la construction résidentielle a été ralentie, que les consommateurs ont moins fréquenté les centres commerciaux, que des milliers d'avions ont été cloués au sol, la confiance des ménages et des entreprises est restée forte. Les élus sont parvenus à s'entendre pour enterrer la hache de guerre d'ici la tenue des élections de mi-mandat. Les entreprises licencient moins, comme en fait foi la baisse des inscriptions à l'assurance-chômage.

La quasi-totatilité des observateurs s'attend d'ailleurs à ce que la Fed diminue à nouveau de 10 milliards le rythme mensuel de ses achats d'obligations du Trésor et de titres adossés à des créances hypothécaires. Cela les ramènerait à 55 milliards par mois.

Les membres du FOMC indiqueront aussi quand ils s'attendent à ce que la Fed hausse une première fois son taux directeur, qui oscille dans une fourchette de 0% à 0,25% depuis décembre 2008.

Sur une base arithmétique, la dernière consultation donne dans le courant de 2015. En pratique, les conditions suivantes devront être réunies: que le taux de chômage se stabilise à un maximum de 6,5%, que le taux d'inflation ne dépasse pas 2,5% sur un horizon de un à deux ans et que les attentes en matière d'inflation soient bien ancrées.

C'est sur ce terrain que les observateurs attendent Mme Yellen. Modifiera-t-elle la ligne de conduite tracée par son prédécesseur?

La clarté des orientations n'est pas un exercice aisé en matière de politique monétaire.

M. Bernanke en sait quelque chose. Il avait provoqué un choc sur le marché obligataire, le printemps dernier, seulement en suggérant que la Fed pourrait commencer à ralentir sa planche à billets dès l'automne.

On peut imaginer que la volatilité des capitaux sera forte quand les spéculateurs se mettront à croire en une hausse prochaine du taux directeur...