Pendant que son actionnaire de contrôle, Pierre Karl Péladeau, brigue les suffrages pour le Parti québécois, Québecor semble toujours en excellente posture afin de concurrencer le «Big 3» des télécommunications en téléphonie sans fil au Canada anglais. Le gouvernement Harper se tient toutefois discret dans ce dossier depuis l'annonce de la candidature de M. Péladeau, dimanche dernier.

Selon le professeur Michael Geist, la candidature de M. Péladeau ne changera pas la situation à court terme au Canada anglais, où le gouvernement fédéral tente - sans grand succès - depuis 2007 de favoriser l'éclosion d'un quatrième opérateur sans fil d'envergure nationale pour concurrencer le «Big 3» de Bell-Telus-Rogers.

Cadre réglementaire

«Le cadre réglementaire actuel ne changera pas, dit Michael Geist, professeur en droit des technos à l'Université d'Ottawa. Évidemment, c'est difficile d'évaluer pour l'instant si le gouvernement fédéral se montrera réceptif à l'avenir si Québecor suggère de nouvelles modifications au cadre réglementaire. Les petits fournisseurs sans fil se plaignent des règles actuelles de partage des tours et d'achat de spectre en gros. Modifier ces règles pourrait inciter un quatrième joueur, par exemple Vidéotron, à développer son réseau plus rapidement.»

Ottawa a promis de déposer bientôt un projet de loi sur le partage des tours entre entreprises concurrentes. Actuellement, celles-ci doivent partager leurs tours, mais à condition de s'entendre entre elles.

À la conclusion des enchères le mois dernier, le ministre James Moore s'est réjoui du fait que Vidéotron a mis la main sur du spectre sans fil au Québec (l'entreprise y exploite un réseau depuis 2010), mais aussi pour la première fois en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. «Je pense [qu'il y aura un quatrième acteur d'envergure au pays], disait-il. Vidéotron a pris des engagements [en participant aux enchères]. [...] C'est une compagnie avec une longue histoire au Québec, avec un très grand nombre de gens qui aiment son service.»

Impossible de savoir si le ministre Moore a changé d'idée puisqu'il n'a pas commenté hier l'arrivée possible de Vidéotron, le câblodistributeur appartenant à Québecor Média, comme quatrième entreprise de téléphonie sans fil au Canada anglais.

Engagements

Vidéotron, qui doit payer 233 millions d'ici le 2 avril pour conclure l'achat de son nouveau spectre, sera tenue de le développer à hauteur de 20-50% de la population couverte d'ici 10 ans. L'entreprise québécoise n'a pas encore indiqué ses plans d'avenir. «Diverses options s'offrent à nous afin de maximiser la valeur de notre investissement, et aucune décision n'a été prise pour l'instant», a indiqué hier Martin Tremblay, vice-président des affaires publiques de Québecor.

Québecor a déjà fait valoir que la nouvelle carrière politique de son actionnaire de contrôle, qui a démissionné dimanche de ses postes aux divers conseils d'administration, n'aura pas de conséquences sur les activités de l'entreprise.

En plus du professeur Geist, un deuxième expert estime que la carrière politique de Pierre Karl Péladeau et l'arrivée de Vidéotron en téléphonie sans fil au Canada anglais sont deux dossiers distincts. «[Son arrivée] dans l'arène politique ne signifie pas [...] l'effondrement d'un quatrième fournisseur national potentiel de services sans fil», indique Iain Grant, président du Seaboard Group, une entreprise de consultation.

Comme une entreprise étrangère

Détail intéressant: à long terme, l'avenir politique du Québec pourrait bien ne pas avoir d'incidence sur la capacité de Vidéotron à faire des affaires en téléphonie sans fil au Canada anglais.

Les règles actuelles permettent à une entreprise étrangère (non canadienne) de commencer ses activités au Canada tant qu'elle détient moins de 10% des parts de marché (elle peut ensuite accroître ses parts de marché de façon naturelle, mais sans faire d'acquisition).

Vidéotron (qui est une entreprise canadienne) est actuellement en deçà du seuil de 10%, selon le professeur Geist, ce qui pourrait potentiellement lui procurer le droit acquis d'opérer au Canada anglais comme une entreprise étrangère, advenant l'indépendance du Québec.

- Avec Bloomberg