Subventionne-t-on des emplois ou des projets d'investissement en jeux vidéo? Les critères de versement des subventions directes du gouvernement du Québec varient selon le studio qui les reçoit.

Depuis 2005, le gouvernement du Québec a versé six subventions directes à des studios de jeux vidéo. Les quatre subventions à Warner Bros., Square Enix et THQ ont été versées conditionnellement à la création d'un nombre d'emplois prévu au contrat. Dans ses deux ententes de subvention avec Ubisoft - l'une conclue en 2005 puis révisée en 2007, l'autre conclue en 2013 -, Québec a pris une approche différente: le nombre d'emplois prévus sera considéré comme un objectif, mais le versement de la subvention ne sera pas conditionnel à l'atteinte de cet objectif. Une clause qui ne change rien à l'intention d'Ubisoft de créer 500 emplois au Québec d'ici 2020, selon l'entreprise.

L'exemple d'Ubisoft

À titre d'exemple, la nouvelle entente Québec-Ubisoft annoncée cet automne prévoit le versement de 9,9 millions d'ici 2020 afin de permettre à Ubisoft de moderniser ses infrastructures. Ubisoft investira de son côté 373 millions dans ce projet, qui devrait créer 500 emplois selon ses prévisions. Mais le nombre d'emplois créés ne déterminera pas le versement ou non de la subvention.

«L'argent sera versé afin de permettre à Ubisoft d'implanter à Montréal un pôle d'opérations de jeux en ligne, de consolider les infrastructures de son réseau mondial et d'investir dans son expertise en technologies de capture de mouvement», indique Jean-Pierre d'Auteuil, porte-parole du ministère des Finances du Québec.

«Nous soumettons au gouvernement des projets dont les investissements sont liés directement à la création d'emplois», indique Cédric Orvoine, vice-président des ressources humaines et des communications d'Ubisoft Montréal.

Selon Ubisoft, les détails de l'entente de subvention ne changent rien à son intention de créer 500 emplois au Québec. «C'est un projet qui vise à créer 500 emplois, notre intention reste de créer 500 emplois et nous sommes très confiants de les créer d'ici 2020», dit M. Orvoine.

Selon les informations recueillies auprès des autres studios, le versement des autres subventions est directement lié à la création d'emplois. Warner Bros. et Square Enix l'ont confirmé à La Presse, tandis qu'Investissement Québec l'avait confirmé il y a un an pour la subvention de THQ, qui était alors à l'abri de ses créanciers aux États-Unis. Québec n'a pas voulu confirmer ces informations, citant la nature confidentielle des contrats de subvention.

La dernière subvention à Warner Bros., annoncée cet automne quelques jours après celle d'Ubisoft, est conditionnelle à une série de critères, mais le principal critère reste la création de 100 emplois. «Nous devons respecter des critères d'emploi qui sont directement liés au versement de notre subvention», dit Martin Carrier, directeur du studio montréalais de jeux vidéo de Warner Bros.

Le critère de versement d'une subvention peut être un détail important dans certains cas. Pour attirer le studio THQ, Québec avait offert une subvention de 3,1 millions en 2009.

En conférence de presse, Québec et THQ parlaient de créer 400 emplois, mais les documents de l'entente indiquaient plutôt 250 emplois. Quand THQ s'est mis à l'abri de ses créanciers, son studio montréalais n'avait reçu qu'une partie de la subvention, car il n'avait que 140 employés. THQ Montréal a été racheté en janvier 2013 par Ubisoft, qui a ainsi repris le reste de la subvention. En créant 160 autres emplois, Ubisoft pourrait toucher le reste de la subvention de THQ Montréal.

Ce mois-ci, Ubisoft est bénéficiaire de trois subventions distinctes de Québec: la subvention de 19 millions octroyée en 2005 (puis révisée en 2007) qui avait comme objectif de faire passer son nombre d'employés de 2000 à 3000 d'ici 2013; la subvention de THQ Montréal qui se termine en 2014; et sa nouvelle subvention de 9,9 millions pour créer un rôle de jeux en ligne d'ici 2020.

Tant Québec qu'Ubisoft assurent que des vérifications sont faites régulièrement afin que les ententes demeurent distinctes et qu'aucun emploi ne soit subventionné en double. La subvention de 19 millions, qui se termine théoriquement à la fin de l'année, n'a pas été versée en totalité à Ubisoft, qui compte approximativement 3000 employés actuellement, ce qui était son objectif dans l'entente de 2005 avec Québec.

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L'historique des subventions directes

En 1997, le gouvernement du Québec crée un crédit d'impôt multimédia de 50% sur les salaires, à temps pour l'arrivée de l'entreprise française Ubisoft, qui bâtira à Montréal le plus imposant studio de jeu vidéo en Occident, qui compte aujourd'hui 3000 employés. Mais en 2005, le crédit d'impôt, réduit de 50% à 37,5% par le gouvernement Charest, ne suffit plus: Québec accordera aussi une subvention directe à Ubisoft pour favoriser l'expansion de son studio montréalais. C'est le début de l'ère des subventions directes pour les grands studios montréalais. Aujourd'hui, trois d'entre eux en bénéficient: Ubisoft, Warner Brothers et Square Enix.

Les subventions directes de 2005 à 2020

> Ubisoft, 2005-2013: 19 millions pour passer de 2000 à 3000 employés, moyenne de 19 000$ par emploi créé

> Ubisoft, 2013-2020: 9,9 millions pour passer de 3000 à 3500 employés, moyenne de 19 800$ par emploi créé

> Warner Brothers, 2010-2013: 7,5 millions pour 300 emplois, moyenne de 25 000$ par emploi créé

> Warner Brothers, 2014-2018: 1,5 million pour 100 emplois, moyenne de 15 000$ par emploi créé

> THQ (racheté par Ubisoft en 2013), 2009-2014: 3,1 millions pour 250 emplois, moyenne de 12 400$ par emploi créé

> Square Enix, 2012-2015: 2 millions pour 250 emplois, moyenne de 8000$ par emploi créé