Du champagne, un étui pour iPad, un souper au resto ou de simples voeux dans une carte à Noël? De plus en plus d'entreprises se dotent d'une politique en matière de dons et de réception de cadeaux. Et si la commission Charbonneau les avait rendues plus vigilantes?

Depuis 23 ans, Groupe Carreaux Céragrès envoie des cadeaux de remerciements à ses clients et fournisseurs à Noël. Des foulards, ardoises, couvertures avec ses traditionnels calendriers... Un investissement d'environ 40$ par présent.

Entorse à la coutume, la direction n'a envoyé cette année que ses calendriers et affiches accompagnés d'une carte signée: «Pour l'amour des enfants, Céragrès et ses clients s'unissent pour verser un don au Club des petits déjeuners.» «Pas question de donner des cadeaux à tous, cette année, lance le chef de la direction Guy Gervais. Mais comme les gens attendent nos cadeaux, on craint leur réaction. Vont-ils penser qu'on est en difficulté financière?»

Mais en temps de commission Charbonneau, Céragrès préfère passer son tour et rediriger l'argent vers les plus démunis! «Et ce, même si nos cadeaux sont utiles généralement, mentionne Guy Gervais. C'est déplacé, à notre avis, d'en offrir cette année!»

«Le cadeau des Fêtes est encore à la mode, estime plutôt Rachel Solyom, associée du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault. La fin de l'année est vraiment propice à remercier les partenaires d'affaires et fournisseurs. Mais les gens sont désormais plus sensibilisés à la nature des cadeaux offerts et à la perception qu'aura celui qui le recevra.»

Politiques de dons

Les concepteurs de cadeaux d'entreprises et de reconnaissance ressentent la soudaine vigilance des entreprises. «Au coeur de la commission Charbonneau, des clients ont reporté certains achats, note Jean-Philippe Caron, président et chef de la création d'Arte5. On parle surtout de grandes entreprises très visibles, du domaine bancaire par exemple. Des cabinets d'ingénieurs ont aboli leur programme de reconnaissance client. Ils sont dans une grande réflexion stratégique. L'éthique a été resserrée.»

«Le processus de décision et de sélection de nos clients est plus lent, souligne aussi Anne Legault, vice-présidente, marketing promotionnel, de BrandAlliance. Ils sont plus craintifs. On sent qu'ils ont une image à préserver. Les programmes n'ont pas été complètement annulés, mais les entreprises s'assurent aujourd'hui de faire des achats intelligents. On voit moins d'objets tape-à-l'oeil.»

Pour éviter les faux pas, de plus en plus de directions mettent en place des politiques en ce qui a trait aux dons et à la réception de cadeaux. «Depuis toujours, on voit des politiques en matière de code de conduite et de conflit d'intérêts, explique Rachel Solyom. Là, on en voit pour les cadeaux.»

«Les entreprises devraient toutes avoir une telle politique, affirme Florent Francoeur, PDG de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Les employés ont besoin d'un guide. Car ils font affaire avec de plus en plus de fournisseurs. Or, certains reçoivent un stylo à 2$ et d'autres, un souper à 300$. Ça clarifie les règles du jeu.»

Céragrès mettra officiellement en place une telle politique sous peu. «On n'a pas le choix, dit Guy Gervais. On est dans le domaine de la construction. Beaucoup de gens en ont profité au fil des ans. Cela dit, chez nous, ç'a toujours été très clair qu'on donnait des cadeaux de remerciements, et non des cadeaux pour influencer.»

Quoi offrir pour davantage attirer les sourires que susciter des malaises? «Les cadeaux doivent avoir un point commun avec vos activités, être utiles et se différencier, souligne sur son blogue suisse Valérie Demont, spécialiste en stratégie média sociale pour PME. Théoriquement, tous vos clients méritent vos voeux de fin d'année. Ensuite, ce qui déterminera le nombre de personnes qui recevront votre présent reste surtout une question de budget et de logistique.»

Une bouteille de vin? «Oui, car c'est un cadeau qui n'a pas une grande valeur, note Rachel Solyom. Mais le souper est aussi une façon acceptée de remercier ses partenaires.»

«Il ne faut pas qu'il y ait d'excès, mais pour une entreprise qui représente 10% de votre chiffre d'affaires, une boîte de chocolats sera un peu léger comme cadeau! décrit (à dynamique-mag.com) Anthony Ledanseur, créateur d'un salon spécialisé dans les cadeaux d'affaires. On conseille en général de dédier 1% des résultats de l'entreprise à l'achat de cadeaux.»

Cela dit, on ne se trompe pas avec le classique poinsettia que le destinataire pourra installer à la réception à la vue de tous, au dire de Florent Francoeur! «Il sera vraiment perçu comme un cadeau de remerciements!»

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Le pouvoir de la carte de Noël

Au cours des dernières années, de nombreuses entreprises ont troqué l'envoi de cartes de Noël traditionnelles pour l'envoi de cartes électroniques. «Pourtant, la carte traditionnelle est un des objets promotionnels les moins chers et qui font le plus plaisir, dit Jean-Philippe Caron, président et chef de la création d'Arte5. Abolir ce programme n'est pas une bonne idée. La durée de vie de la carte électronique est d'environ 8 secondes... et encore, c'est si elle est vue par la personne à qui elle est destinée, car beaucoup sont filtrées par les antipourriels! Alors que la durée de vie d'une carte traditionnelle est de 33 jours, car on la reçoit à la mi-décembre, on la pose sur son bureau ou celui de l'adjointe et elle s'y trouve encore après les Fêtes.»

Et l'argument écologique ne tient pas la route, aux yeux de Jean-Philippe Caron. «Le message qu'on envoie à un client en préférant des souhaits par internet, c'est qu'il ne vaut même pas une carte à 2$! lance-t-il. Écrire un mot et signer, c'est du temps qu'on prend pour son destinataire.»