Depuis quatre ans, Québecor a investi des millions de dollars pour concurrencer les hebdos de Transcontinental, mais le duel de la presse régionale québécoise est terminé: Québecor a vendu hier ses 74 hebdos régionaux à TC Media (T.TCL.A) pour 75 millions de dollars. Une transaction qui pourrait forcer la fermeture ou le regroupement d'une vingtaine d'hebdos au Québec.

Déjà le plus grand propriétaire d'hebdos au Québec (avec 83), TC Media possédera 157 des 187 hebdos régionaux de la province, si la transaction est acceptée par le Bureau de la concurrence. «Nous sommes all in [avec la presse locale, qui représente déjà 50 % des actifs de TC Media]. La santé de la presse locale au Québec nous tient à coeur. Nous voyons encore un futur pour les journaux locaux», dit François Olivier, président et chef de la direction de TC Transcontinental, en entrevue à La Presse.

«Nous croyons que la presse écrite a un avenir, mais nous ne pouvons ignorer la nouvelle réalité du marché», a indiqué Robert Dépatie, président et chef de la direction de Québecor, par voie de communiqué. Malgré la vente de ses hebdos québécois (qui généraient tout de même des profits, a indiqué l'entreprise), Québecor a précisé son intention de demeurer propriétaire de ses quotidiens au Québec (Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, 24 heures) et de ses 109 hebdos au Canada anglais.

TC Media n'a pas précisé hier combien d'hebdos elle pourrait fermer ou regrouper à la suite de cette transaction, ni si des pertes d'emploi sont envisageables parmi les 600 employés des hebdos de Québecor qui s'ajouteront aux 1000 employés des hebdos de TC Media.

Mais un fait demeure: depuis 2009, Québecor a lancé 10 nouveaux hebdos dans des villes desservies par un hebdo de TC Media, tandis que TC Media a riposté en lançant 13 hebdos dans les villes desservies par Québecor. Selon certains observateurs, cette vingtaine de nouveaux hebdos - situés surtout en Montérégie, dans Lanaudière, les Laurentides, en Mauricie et dans le Centre-du-Québec - pourraient être fermés ou regroupés.

«C'est trop tôt pour parler de ça à cause de l'examen du Bureau de la concurrence, mais il y a sûrement des endroits où les activités seront regroupées, dit François Olivier. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Les hebdos locaux sont supportés par les commerçants locaux et si vous avez trois hebdos pour la même assiette publicitaire dans une ville, ils auront peu de pages et pas de contenu communautaire plus poussé.»

Sur le plan commercial, il s'agit d'une transaction «gagnant-gagnant», selon l'analyste financier Drew McReynolds, de RBC Marchés des capitaux, même si les titres des deux entreprises se sont dépréciés hier en Bourse (- 3,57 % pour l'action A de Transcontinental et - 0,04 % pour l'action B de Québecor). En plus de vendre ses 74 hebdos à TC Media, Québecor donnera à Transcontinental des contrats d'impression d'environ 10 millions par année pour imprimer quelques magazines de TVA Publications et des publicités de Vidéotron. Avec cette transaction, TC Transcontinental prévoit hausser ses profits de 20 millions par année.

En attendant l'examen du Bureau de la concurrence, la transaction inquiète le gouvernement du Québec et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. «Nous sommes préoccupés car elle ne contribue pas à accroître la diversité de l'information», dit l'attaché de presse du ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto. Les hebdos indépendants sont toutefois rassurés, eux qui ont vu les tarifs publicitaires chuter de 40 % au cours des dernières années. «Ça va nous permettre de respirer un peu», dit Benoit Chartier, propriétaire du Courrier de Saint-Hyacinthe et du Clairon de Saint-Hyacinthe.