Le magazine économique américain Forbes, célèbre pour son classement des plus grosses fortunes mondiales, a été mis en vente vendredi, une rupture après presque un siècle sous le contrôle de sa famille fondatrice.

«Nous organisons une procédure pour tâter le terrain sur une vente de Forbes Media», a annoncé dans un mémo interne adressé aux salariés Mike Perlis, le directeur général de cette société qui édite la version américaine du magazine et ses déclinaisons internationales.

Forbes, fondé en 1917, tire aujourd'hui à 900 000 exemplaires et publie régulièrement des classements de référence, notamment celui annuel des milliardaires dans le monde. En ajoutant Forbes Asia, Forbes Europe et les éditions internationales, il dit toucher au total plus de 5 millions de lecteurs, davantage, selon lui, que d'autres titres économiques comme Fortune, The Economist ou le Wall Street Journal.

Forbes Media a été créée en 2006, lors de l'entrée au capital du fonds Elevation Partners, qui compte parmi ses investisseurs le chanteur Bono. Les modalités de la transaction n'avaient pas été divulguées, le magazine se contentant d'évoquer à l'époque une prise de participation minoritaire.

C'est néanmoins la famille du fondateur, le journaliste d'origine écossaise B. C. Forbes, qui conserve 96 ans plus tard le contrôle majoritaire. À sa mort, le flambeau est passé à ses deux fils, puis à ses quatre petits-fils.

L'un de ces derniers, Steve Forbes, a à 66 ans la double casquette de rédacteur en chef et de président du conseil d'administration de Forbes Media. Il a par ailleurs tenté à deux reprises, en 1996 et 2000, d'obtenir l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle américaine.

«Nombreux prétendants» en perspective

«C'est un peu surprenant quand une marque aussi vieille que Forbes, qui a été détenue par la famille pendant si longtemps, s'ouvre à une nouvelle forme d'actionnariat», relève Rebecca Lieb, une analyste du cabinet de recherche Altimeter Group.

M. Perlis explique que la mise en vente a été motivée par plusieurs manifestations d'intérêt spontanées. «La fréquence et la nature sérieuse de ces ouvertures nous ont amenés à prendre une décision», écrit-il.

Forbes Media a recruté la banque allemande Deutsche Bank pour gérer la procédure.

La société n'a pas voulu fournir de détails financiers, mais une source proche du dossier a indiqué au Wall Street Journal que ses propriétaires espèrent en tirer entre 400 et 500 millions de dollars.

M. Perlis dit s'attendre à «de nombreux prétendants» étant donné la bonne santé de l'entreprise, qui devrait, selon lui, enregistrer cette année sa meilleure performance financière depuis six ans.

Forbes semble notamment avoir mieux négocié le virage du numérique que d'autres titres américains ayant changé de mains ces derniers mois, comme Newsweek ou le Washington Post par exemple.

Le site internet Forbes.com, lancé en 1996, compte aujourd'hui plus d'un millier de contributeurs. M. Perlis souligne dans son mémo qu'il a augmenté son nombre de visiteurs de 12 à 26 millions sur les trois dernières années, le site internet de la société évoquant pour sa part une moyenne de 48 millions de visiteurs mensuels.

Forbes Media, qui n'est pas cotée en Bourse, ne divulgue pas son chiffre d'affaires, mais dit tirer plus de la moitié de ses revenus publicitaires (55%) de ses publications en ligne.

Rebecca Lieb souligne que la société est «particulièrement dynamique» dans de nouvelles formes de publicités, comme les contenus sponsorisés présentés comme des articles normaux qui représentent «l'un des segments à plus forte croissance de la publicité en ligne».

Forbes Media s'est aussi diversifiée ces dernières années dans des activités ne dépendant pas de la publicité, comme l'organisation de conférences.