Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, devra se montrer convaincant vendredi à Montréal au cours de sa conférence portant sur un plan de croissance pour l'économie et les finances publiques.

Le tableau d'ensemble est plutôt sinistre: l'économie est atone et les rentrées fiscales ne sont pas au rendez-vous, au point où la sacro-sainte atteinte de l'équilibre budgétaire paraît compromise.

La poigne de fer du Conseil du Trésor sur les dépenses publiques pourra au mieux limiter les dégâts.

En avril, le ministre Marceau prévoyait une augmentation des revenus autonomes de 5,2%, sur l'hypothèse d'une croissance de 3,6% du PIB nominal. Or, la variation de la taille de l'économie exprimée en dollars courants aura plutôt été de -1,2%, d'avril à juin.

Dans les circonstances, c'est presque une bénédiction: la taille réelle de l'économie s'est amincie de 2,9%, en rythme annualisé.

Dans un tel contexte, une augmentation des revenus autonomes de 5,2%, selon le scénario budgétaire d'avril, paraît hardie pour plusieurs, jovialiste pour d'autres.

L'augmentation de 5,3% de l'impôt sur le revenu des particuliers (qui représente 36,3% des revenus autonomes prévus) peut en partie reposer sur l'entrée en vigueur d'un nouveau palier d'imposition pour les revenus de plus de 100 000$.

Une relance de l'emploi d'ici au 31 mars pourrait faire le reste, et même un peu plus. Encore faudrait-il qu'elle se manifeste. Peut-être M. Marceau expliquera-t-il comment il entend la stimuler.

«Atteindre 1% seulement de croissance réelle suppose un rebond en fin d'année et que le gouvernement américain ne ferme pas longtemps, note Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale. L'année 2013 aura été décevante, mais on peut espérer mieux pour le début de 2014.»

La hausse de 6,1% des recettes générées par les taxes à la consommation est plus problématique. Ces rentrées, qui représentent 30,1% des revenus autonomes, soit la part la plus grande au Canada, sont plutôt en léger repli, alors que la TVQ est déjà la plus élevée de toutes les taxes provinciales.

La valeur des ventes des détaillants sont en progression de 1,6% seulement, de juillet à juillet, alors que la variation canadienne est plutôt de 3,0%.

«S'il y a un manque à gagner dans une source de taxation, il peut aussi y en avoir ailleurs», appréhende Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL).

Pensons aux revenus provenant des sociétés d'État (Hydro-Québec, Loto-Québec, SAQ, etc.), qui représentent près de 10% des revenus autonomes de la province, et à l'impôt sur le revenu des sociétés.

Le ministre a aussi prévu une enveloppe de 200 millions pour pallier des impondérables comme la tragédie de Lac-Mégantic. Ce qui en restera servira à se rapprocher du déficit zéro.

En 2012-2013, c'est ce qui est arrivé. Cela n'a toutefois pas empêché que le déficit prévu de 1,5 milliard augmente de 250 millions faute de rentrées fiscales suffisantes entre janvier et mars.

Cette carence fiscale s'est poursuive au printemps.

Elle n'est pas propre au Québec. Elle se vérifie dans la plupart des provinces, même celles où la croissance est robuste.

Ce qui est partout en cause, c'est la faiblesse de l'inflation, dont le rythme annuel était de 1,1% en août et de seulement 0,8% au Québec.

Une étude récente de la CIBC évalue à 10 milliards d'ici à 2015-2016 le manque à gagner des provinces à cause d'une trop faible inflation.

Plusieurs voix s'élèvent maintenant pour que l'atteinte du déficit zéro soit décalée d'un an au Québec. Après tout, c'est ce qu'ont choisi le printemps dernier l'Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, sans décote de leur note de crédit pour autant.

L'essentiel, en période de faible croissance, est de maîtriser la croissance des dépenses, fixée par Québec à 1,9%.

De nouvelles coupes déclencheraient un cercle vicieux: moins de dépenses entraînent plus de chômage qui diminue la croissance et les rentrées d'impôt, ce qui creuse le déficit.

C'était la recette du Fonds monétaire international qui, il y a un an, a dû faire amende honorable.

Le gouvernement du Québec est toutefois devant deux écueils particuliers.

D'abord, sa dette brute est la plus élevée de toutes les provinces. Elle représente 53,3% de la taille de l'économie.

Ensuite, le prédécesseur de M. Marceau, Raymond Bachand, s'est prévalu en 2011-2012 des amendements à la Loi sur l'équilibre budgétaire adoptés en 2009 pour décréter un retour à l'équilibre en 2013-2014.

Pour asseoir sa crédibilité fragile dans un contexte de gouvernement minoritaire, M. Marceau a maintenu cet objectif dans le présent budget.

Y renoncer suppose donc un nouvel amendement à la loi, ce qui est susceptible d'entraîner le renversement du gouvernement, à moins que la Coalition avenir Québec ou le Parti libéral ne s'y oppose pas.

On doit s'attendre à ce que M. Marceau cherche à gagner du temps avant de trancher.