«Si le Québec joue bien ses cartes, il deviendra l'un des trois grands centres mondiaux d'effets visuels», prédit Frédéric Rose.

Le grand patron du Groupe Technicolor sait de quoi il parle. Par l'entremise de sa division Moving Picture Company (MPC), le Groupe Technicolor est l'un des plus importants fournisseurs d'effets visuels pour Hollywood (ex.: Man of Steel, Life of Pi, World War Z). Et il a l'intention de contribuer à faire du Québec l'une des capitales de son industrie, annonçant hier la création d'un studio de 250 employés dans le Vieux-Montréal. Une cinquantaine d'employés travaillent déjà sur les effets visuels de X-Men: Days of Future Past (un film tourné à Montréal), le premier mandat de MPC Montréal.

Actuellement, les capitales mondiales des effets visuels sont plutôt Londres, Vancouver et Los Angeles, mais cette dernière est aux prises avec des licenciements. Montréal damera-t-il le pion à Los Angeles? «Je ne suis pas sûr que cette comparaison soit très flatteuse pour Montréal, car les trucs les plus intéressants se font plutôt à Londres. C'est vers là qu'il faut regarder», dit Frédéric Rose, directeur général du Groupe Technicolor, en entrevue à La Presse.

Un généreux crédit d'impôt

Pourquoi la multinationale Technicolor a-t-elle choisi Montréal pour y installer son septième studio d'effets visuels? «La grappe [industrielle au Québec] est très importante, répond-il. Nous avons besoin d'avoir accès à un vivier de talents. Nous avons besoin de jeunes qui ont une formation à la fois technique et artistique, et il n'y a pas tellement d'endroits où vous pouvez trouver ça.»

Soit, Techicolor sait reconnaître le talent. Mais la multinationale française, qui a un chiffre d'affaires de 4,9 milliards et 14 000 employés dans le monde, sait aussi compter. Le crédit d'impôt québécois est l'un des plus généreux dans le monde: environ 53% des salaires. «Le Québec n'a pas le crédit d'impôt le plus généreux, mais le sien est stable, au contraire de certains États américains», dit Frédéric Rose.

Québec a également consenti un prêt sans intérêt de 1,2 million. Le coût réel de cet avantage est de 500 000$ sur deux ans pour Québec, qui estime les retombées fiscales à 7 millions sur cinq ans.

Après huit mois de discussions avec Québec - La Presse avait annoncé en février son arrivée éventuelle -, MPC Montréal ouvrira officiellement le 28 octobre. L'entreprise s'est engagée à créer 200 emplois d'ici trois ans, mais son studio montréalais pourrait accueillir 250 employés le printemps prochain si tout va comme prévu. Outre X-Men: Days of Future Past, MPC Montréal travaillera sur les films Cinderella et Into the Woods, de Disney.

Avec l'arrivée de MPC, Montréal comptera sur un triumvirat de studios étrangers avec chacun 200 employés: les français MPC et Mikros, ainsi que le britannique Framestore, attiré avec des conditions similaires (crédit d'impôt + prêt sans intérêt) par le gouvernement Marois en janvier.

Un nouveau Soho

«Il y a le potentiel dans le Vieux-Montréal de reconstruire le quartier Soho à Londres, dit Frédéric Rose. [Comme la Grande-Bretagne], le Québec a une vraie politique pour l'industrie du cinéma. On ne focalise pas seulement sur le salaire des acteurs ou des producteurs, on inclut aussi le travail technique. On a bien compris ce qu'il faut pour que Montréal fasse [des effets visuels] à l'international.»

En plus de son triumvirat étranger, le Québec compte une demi-douzaine d'entreprises québécoises d'effets visuels avec des mandats à Hollywood (Rodeo FX, Mokko, Modus FX, Vision Globale, Digital Dimension et Hydride, rachetée par Ubisoft en 2008). Plusieurs d'entre elles craignent une pénurie de main-d'oeuvre dans cette industrie comptant entre 1000 et 1400 employés (il n'y a pas de chiffres officiels).

Technicolor espère au contraire que le gouvernement Marois continuera de tendre des perches à ses concurrents internationaux. «Madame la première ministre doit faire avec mes concurrents ce qu'elle a fait avec moi, dit Frédéric Rose. Ce n'est pas souvent qu'un patron d'entreprise vous dit qu'elle espère qu'elle va convaincre ses concurrents, mais c'est très important que nos concurrents soient ici. Si nous n'avons pas de film pendant un mois, nos employés pourront travailler chez un concurrent puis revenir chez nous.»