Sans aucun éclat, l'expansion de l'économie canadienne, la plus avancée du G7 au cours du présent cycle, repose encore sur la résilience de la consommation des ménages. Les entreprises tardent toujours à prendre le relais.

Au deuxième trimestre, la consommation réelle des ménages a bondi de 3,8%, en rythme annuel, en tirant profit d'un taux d'inflation exceptionnellement faible qui a temporairement gonflé leur pouvoir d'achat.

C'est grâce aux ménages avant tout si l'expansion réelle de l'économie canadienne a pu atteindre 1,7%. C'est un peu plus que la prévision médiane des experts. Ce chiffre doit toutefois être relativisé avec la révision de la croissance du premier trimestre, ramenée par Statistique Canada de 2,5% à 2,2%.

En mi-année, la taille réelle de l'économie canadienne avait gagné 2% en rythme annuel, contre 1,8% pour celle de sa grande voisine.

Devant l'endettement élevé des ménages, qui ont diminué quelque peu leur taux d'épargne ce printemps pour acheter surtout des voitures et d'autres biens durables, la Banque du Canada compte sur les exportations et sur les investissements des entreprises pour assurer la poursuite de l'expansion.

La forte expansion américaine au deuxième trimestre (2,5%) montre toutefois qu'elle ne suffira pas à elle seule à gonfler les livraisons internationales des exportateurs canadiens. Les volumes ont progressé de 0,9% en rythme annuel, d'avril à juin, et étaient en progression annuelle de 0,8% seulement, ce qui est moindre que l'augmentation des importations.

Un rebond est prévisible au troisième trimestre après l'interruption des livraisons en juin, par suite des fortes inondations en Alberta. Il n'est pas certain toutefois que l'économie américaine a poursuivi son expansion à son rythme printanier. Heureusement, le huard a perdu des plumes face au billet vert, cet été, ce qui donne un coup de pouce aux manufacturiers exportateurs qui en ont bien besoin. Selon les données de l'agence fédérale, la production manufacturière a reculé pour un quatrième trimestre d'affilée, ce printemps, et fait figure de cancre au sein des industries canadiennes.

L'incertitude qui prévaut au sud de la frontière, qui ira grandissant en septembre avec la reprise du psychodrame au Congrès au sujet du relèvement du plafond de la dette, n'est pas non plus de nature à stimuler les investissements des entreprises.

Que ce soit en bâtiment, en machines, en matériaux ou en produits de la propriété intellectuelle, l'investissement a reculé partout. La diminution des profits des sociétés non financières pour un quatrième trimestre n'est pas de nature à stimuler l'investissement ni les embauches.

L'expansion printanière a été aussi assurée par les dépenses des gouvernements, qui ne sauront perdurer avec les mesures d'austérité, et par le bâtiment résidentiel, appelé à ralentir en raison de la hausse des taux hypothécaires.

Fait assez rare, la croissance nominale (exprimée en dollars courants) a été plus faible que l'expansion réelle (1,3% contre 1,7%). Cela compliquera la tâche des ministres des Finances. Ils misent toujours sur une certaine inflation pour jauger l'assiette fiscale.

Le casse-tête du ministre Nicolas Marceau sera encore plus difficile. Selon toute vraisemblance, l'économie québécoise a reculé au deuxième trimestre. Elle avait décru en avril, est demeurée stable en mai et a certainement régressé en juin à cause de la grève de deux semaines dans l'industrie de la construction.

Ce conflit de travail est l'une des principales raisons du repli de 0,5% du PIB réel canadien en juin. Il a sûrement mordu davantage dans l'économie québécoise et les recettes fiscales de Québec.

En juillet, l'activité économique a sans doute rebondi, d'un océan à l'autre. La confiance des ménages était à la hausse, selon le Conference Board, tandis que la progression de l'indicateur avancé de l'Institut Macdonald-Laurier s'accélère depuis le printemps.

Tout cela concourt à pronostiquer que l'économie canadienne poursuit son expansion, constante mais pépère, au troisième trimestre tandis que celle du Québec est peut-être sortie de sa léthargie.

Ce qu'en pensent les experts

La dynamique de l'économie reste faible. Si les dépenses de consommation ont été robustes, c'est surtout à cause de la vigueur exceptionnelle des ventes de véhicules, ce qui paraît insoutenable.

-Charles St-Arnaud, économiste chez Nomura

La grève de la construction était chose du passé le 1er juillet alors que battait son plein la reconstruction des propriétés détruites par les inondations en Alberta. Résultat : nous nous attendons à plus qu'un revirement complet de la faiblesse de juin, au troisième trimestre. La croissance du PIB devrait rebondir jusqu'à 3,4 %.

-Paul Ferley, économiste en chef adjoint RBC, Études économiques.

La faiblesse des dépenses d'investissements survient au moment où la rentabilité est sous pression (chute de 16,6 % annualisée au deuxième trimestre et de 7,9 % au cours des quatre derniers trimestres). Depuis un an, les dépenses en structures en équipement n'ont pas varié en termes réels.

-Emanuella Enenajor, économiste CIBC

Nous nous attendons à ce que la consommation ralentisse au second semestre à mesure que les taux d'intérêt à long terme se répercuteront sur une économie déjà molle et pousseront les ménages à enfin faire quelque chose au sujet de leurs dettes en croissance.

-Krishen Rangasamy, économiste Banque Nationale

Par rapport aux autres cycles suivant les récessions, l'apport des exportations s'avère insuffisant compte tenu de la relance américaine plus pénible et du huard plus fort.

-Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint, Valeurs mobilières Banque Laurentienne