Il n'y a pas de pancarte "À vendre» devant le campus de BlackBerry (T.BB) à Waterloo, mais depuis hier, c'est tout comme. La liste théorique des acquéreurs est longue, mais ils seraient très peu nombreux à avoir un réel intérêt, selon les analystes financiers.

Dans un communiqué diffusé hier matin, BlackBerry a annoncé la création d'un comité spécial de son conseil d'administration chargé d'«explorer les alternatives stratégiques». Ces possibilités «pourraient inclure, entre autres, des coentreprises, des partenariats stratégiques ou des alliances, une vente de l'entreprise ou d'autres transactions».

La nouvelle a remué les marchés financiers, qui ont porté le titre à 11,13$, en hausse de plus de 10%. Mais elle n'a vraiment surpris personne.

«Tout le monde savait que le conseil d'administration aurait à évaluer sérieusement toute offre qui allait se présenter», rappelle Louis Hébert, professeur titulaire à HEC Montréal.

Le geste d'hier, selon lui, vise essentiellement à susciter de l'intérêt, pas nécessairement chez les acquéreurs stratégiques, mais surtout chez les acquéreurs financiers.

Potentiel financier

Un rachat qui sortirait BlackBerry de la Bourse est «une possibilité réaliste», estime-t-il.

«C'est une organisation qui montre un certain potentiel de ce côté. Compte tenu du prix à payer, ce pourrait être intéressant de la privatiser, de la restructurer et ensuite de la remettre sur le marché boursier ou de la revendre.»

C'est aussi l'opinion de Peter Misek, de la firme Jefferies Capital.

«Compte tenu de l'intérêt de plusieurs grands fonds canadiens et la réduction déjà effectuée des frais d'exploitation, nous croyons qu'un rachat est possible», a écrit M. Misek.

D'autres sont plus sceptiques.

«Bien qu'un changement de structure pourrait faire monter le prix de l'action à court terme, nous ne voyons pas de scénario qui aiderait BlackBerry à renverser l'importante baisse de parts de marché ou le déclin rapide de ses revenus tirés des services», a écrit à ses clients Tim Long, de BMO Marché des capitaux.

BlackBerry n'est pas pour autant sans valeur, rappelle-t-il, avec ses 3 milliards de dollars de liquidités, ses 3 milliards en brevets ou droits de propriété intellectuelle, son système d'exploitation, ses 72 millions d'abonnés, son réseau mondial et sa position de leader dans le domaine de la sécurité corporative.

Peu d'intérêt stratégique

La liste des acquéreurs stratégiques potentiels comprend les noms de Samsung, Lenovo, Microsoft, Apple, Google et autres firmes technologiques, mais bien peu y trouveraient un réel intérêt, selon les analystes.

Une telle transaction signifierait par ailleurs probablement la fin du statut d'icône canadienne de BlackBerry, selon M. Hébert.

«Un acquéreur stratégique va sûrement l'absorber et la faire disparaître. Je ne suis pas sûr qu'il resterait grand-chose à Waterloo. Si c'est un acquéreur financier, ça assure la survie du nom BlackBerry pour quelque temps.»

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LENOVO

Probablement l'acheteur le plus intéressé, selon divers analystes, mais peu probable en raison de l'objection prévisible des gouvernements canadien et américain à utiliser des appareils de communication appartenant à une firme chinoise. Huawei et ZTE, deux autres acquéreurs potentiels, sont dans la même situation.

FAIRFAX FINANCIAL

Plus important actionnaire. Son PDG, Prem Watsa, a annoncé hier sa démission du conseil de BlackBerry en raison de conflits d'intérêts potentiels, ce qui en a fait le « suspect numéro un». Elle a l'habitude des transactions du genre, mais a toujours oeuvré dans l'assurance.

MICROSOFT

La plateforme Windows Phone 8 a récemment dépassé BlackBerry au troisième rang des plus populaires. Contrairement à Apple et, maintenant, à Google, Microsoft ne conçoit pas ses propres appareils. L'achat de BlackBerry pourrait lui donner un coup de pouce.

SAMSUNG

Numéro un mondial des téléphones intelligents, mais le système Android, installé sur la grande majorité de ses produits, appartient à Google, qui a acheté Motorola et deviendra très rapidement un important compétiteur. « BlackBerry 10 pourrait servir de base pour que Samsung développe son propre écosystème», croit Peter Misek, de Jefferies Capital.

SILVER LAKE PARTNERS

Cet important fonds d'investissement américain est déjà impliqué dans la transaction qui vise à sortir Dell de la Bourse, une opération similaire à celle que souhaiterait réaliser BlackBerry. L'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, qui a déjà collaboré avec Silver Lake dans l'achat et la revente fort lucrative de Skype, a déjà affiché son intérêt.