Le groupe mexicain de télécommunications America Movil (AMOV) a entrepris vendredi de prendre le contrôle de KPN via une offre publique d'achat qui valorise le néerlandais 10,2 milliard d'euros (13,6 milliards de dollars) mais ne dispose pas pour l'heure du soutien de sa direction.

Contrôlé par le milliardaire mexicain Carlos Slim et actionnaire principal de KPN depuis une OPA hostile partielle réussie à l'été 2012, America Movil a par ailleurs assuré ne pas encore avoir arrêté sa décision sur la vente prévue de la filiale allemande de KPN, E-Plus, décidée par le groupe néerlandais.

America Movil, qui détient déjà 29,77% des actions de l'opérateur historique des télécoms néerlandaises, propose 2,4 euros par action. KPN est ainsi valorisé 10,2 milliards d'euros pour la totalité du capital, a indiqué America Movil dans un communiqué.

Le prix offert par action est supérieur de 35,4% au cours moyen de l'action KPN ces 30 derniers jours, selon America Movil. Le titre KPN avait clôturé à 2 euros jeudi soir à la Bourse d'Amsterdam et s'envolait vendredi de 16,50% à 2,33 euros vers 11 h (9 h GMT).

Le conseil de direction de KPN a immédiatement réagi, assurant avoir «pris note» de l'annonce du groupe mexicain et indiquant qu'il allait «réfléchir soigneusement» à l'offre, tout en «explorant toutes les options stratégiques ouvertes à KPN».

«Plus d'un an après son investissement initial dans KPN, l'objectif d'America Movil est d'acquérir une part majoritaire dans KPN afin de faciliter une plus grande coopération opérationnelle et la coordination entre les deux sociétés», a indiqué America Movil dans son communiqué.

Le groupe a précisé vouloir «exploiter tous les secteurs en vue de partenariats potentiels» et accroître les «synergies pour les deux sociétés».

America Movil a indiqué s'attendre à ce que l'offre publique d'achat se concrétise en septembre, une fois approuvée par l'Autorité néerlandaise des marchés financiers.

Le groupe mexicain a précisé que l'offre ne sera définitive que si un nombre de titres lui garantissant l'exercice de plus de 50% des droits de vote en assemblée générale est apporté à l'OPA.

Le futur d'E-Plus mis en suspens

America Movil n'en est pas à ses premières escarmouches avec le groupe néerlandais: il avait porté sa participation dans KPN à près de 30% à l'été 2012 à la suite d'une OPA hostile.

Le groupe mexicain avait par la suite, en février 2013, signé un accord selon lequel il s'engageait notamment à ne pas augmenter sa participation et à soutenir une émission d'actions préférentielles de 4 milliards d'euros, destinées à alléger la dette de KPN. En échange de cet engagement, il avait reçu deux sièges dans le conseil d'administration du groupe.

Mais America Movil a mis fin à cet accord quelques jours à peine après l'annonce, le 23 juillet, de la vente par KPN de sa filiale allemande de téléphonie mobile E-Plus à l'espagnol Telefonica pour 5 milliards d'euros en numéraire ainsi qu'une participation de 17,6% dans Telefonica Deutschland.

Principal actionnaire de KPN, America Movil a dit ne pas encore avoir arrêté sa position sur la vente prévue d'E-Plus, déjà décidée par KPN mais qui doit recevoir l'aval des actionnaires lors d'une assemblée générale extraordinaire prévue, selon KPN, dans «les prochaines semaines».

Telefonica a pour sa part indiqué vendredi maintenir son offre sur E-Plus et considérer cette dernière «comme définitive».

«L'annonce (de l'OPA, ndlr) rend une situation chaotique encore plus chaotique», a soutenu la banque Jefferies dans une note publiée dans la matinée, se référant au futur d'E-Plus.

Selon Jefferies, de nombreuses incertitudes planent, dont les vues des autorités régulatrices sur la transaction impliquant E-Plus et surtout, les intentions d'America Movil quant à E-Plus.

L'analyste de la banque ABN Amro Marc Hesselink, cité par l'agence Dow Jones Newswires, estime de son côté que l'OPA est une des seules options qui s'offre à America Movil suite à l'annonce de la vente d'E-Plus. Selon lui, la valeur stratégique de KPN disparaîtrait si E-Plus devait être vendue.

Or, selon Jefferies, KPN va essayer de faire approuver la transaction par les actionnaires avant l'éventuelle prise de contrôle par America Movil.

Une offre rivale pour reprendre KPN semble en outre «improbable» pour la plupart des analystes, qui ne l'excluent toutefois pas complètement.

Une OPA réussie renforcerait encore la position d'America Movil en Europe: le groupe mexicain, qui domine le marché latino-américain, possède également quelque 25% des parts de Telekom Austria, dont l'actionnaire principal reste toutefois l'État autrichien (28%).