Le nouveau gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, signifie qu'il n'y aura pas de virage quant à la politique actuelle des bas taux d'intérêt sous sa gouverne, à tout le moins à court terme, malgré les craintes de déséquilibres dans l'économie.

Même si le maintien des taux à un faible niveau pendant une longue période a un effet de distorsion sur l'économie, notamment en encourageant l'emprunt excessif, Stephen Poloz soutient que la banque centrale doit aussi tenir compte des risques que feraient peser sur la fragile économie une hausse trop hâtive des taux.

«Ma préoccupation est de faire le nécessaire pour que cette (faible économie) ne s'étende pas sur une génération. (...) Pour l'instant, nous ne croyons pas que ces risques (liés aux bas taux d'intérêt) se manifestent de manière menaçante», a déclaré le gouverneur, jeudi, devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Il s'agissait de sa première apparition publique d'importance depuis son entrée en fonction, qui avait lieu lundi.

L'économiste de la Banque Scotia Derek Holt a dit croire que le témoignage de Stephen Poloz permet de croire qu'il pourrait être encore plus prudent sur la politique monétaire que l'a été son prédécesseur Mark Carney, soulignant son insistance sur l'importance de «couver» la croissance économique.

L'analyste a estimé que la banque centrale pourrait atténuer, voire abandonner, ses avertissements persistants voulant que son prochain changement à la politique monétaire sera probablement une hausse des taux.

Plusieurs autres analystes ont estimé que la prochaine mise à jour de la politique monétaire, prévue le 17 juillet, ne comprendrait probablement aucun changement à la politique du maintien du taux directeur à un pour cent, suscitant certaines des conditions d'emprunt les plus favorables en plusieurs décennies.

Une approche différente

Stephen Poloz a par ailleurs offert certains signes laissant croire qu'il ne voit pas le monde tout à fait comme son prédécesseur. Il pourrait en outre avoir une approche différente et avoir plus tendance à restreindre ses vues strictement aux affaires bancaires que le libre penseur Mark Carney.

Par exemple, il a affirmé jeudi ne pas voir dans les réserves de liquidités des entreprises de l'«argent mort», comme l'avait décrit Mark Carney en pressant les compagnies d'investir.

Stephen Poloz a dit croire que les entreprises comptaient de «saines situations financières».

«Et c'est une bonne chose. L'un des plus importants ingrédients pour obtenir l'élan de l'investissement auquel nous nous attendons est d'avoir une situation financière équilibrée et d'être prêt (...) si la demande étrangère progresse, et que notre confiance grandit», a fait valoir le gouverneur.

M. Poloz a évoqué la situation économique mondiale, soutenant que «de toute évidence», l'économie mondiale était «toujours en phase de reprise», mais pas «au sens habituel du terme». «Cette reprise s'apparente davantage à une reconstruction d'après-guerre», a suggéré M. Poloz.

Le nouveau gouverneur a ajouté qu'il n'était pas surprenant que la reprise économique canadienne mette du temps à se concrétiser compte tenu du dommage causé par la récession, qui a eu pour effet de faire chuter la production économique au pays.

Le gouverneur a dit s'attendre à ce que la demande étrangère reprenne, que les exportations progressent davantage et que cela puisse renforcer la confiance des entreprises.

Sur un autre sujet, M. Poloz a estimé que l'indépendance de la banque centrale ne serait pas compromise par les nouvelles règles gouvernementales sur les organismes de la Couronne.

Stephen Poloz a déclaré devant le comité des Communes que l'indépendance de la Banque du Canada en ce qui a trait à la politique monétaire était enchâssée dans la tradition et la législation.

Le budget déposé en mars par le ministre des Finances Jim Flaherty prévoit que le gouvernement a la responsabilité de superviser l'embauche et la rémunération des employés des organismes de la Couronne, incluant la Banque du Canada.

Mais d'après Stephen Poloz, il existe une séparation nette entre les volets de l'administration et de l'élaboration des politiques à la Banque du Canada.