Il reviendra à Stephen Poloz de décider si la Banque du Canada doit se mettre au neutre ou maintenir son intention d'augmenter son taux directeur dans un avenir pas trop rapproché.

À trois jours de lui passer le flambeau, le gouverneur sortant Mark Carney et le conseil de direction reconduisent sans surprise le taux directeur à 1%, en place depuis septembre 2010.

Malgré une certaine spéculation au sein des prévisionnistes, la Banque maintient intégralement la phrase qui souligne que le prochain geste qu'elle entend faire sera une hausse.

«Comme l'économie canadienne continue d'afficher des capacités inutilisées, que les perspectives en matière d'inflation sont modérées et que l'évolution des déséquilibres dans le secteur des ménages est constructive, la détente monétaire considérable en place actuellement demeurera probablement appropriée pendant un certain temps, après quoi une réduction modeste sera probablement nécessaire, de façon à atteindre la cible d'inflation de 2%», lit-on à la fin de son communiqué.

Ce faisant, la Banque du Canada demeure la seule autorité monétaire des économies avancées à préconiser un resserrement à terme des taux d'intérêt.

Il faut rappeler que l'économie canadienne est sur le point d'entamer sa quatrième année d'expansion, ce qui la place en avant du peloton dans le présent cycle.

En outre, malgré la très faible inflation qui sévit au Canada et qui reflète certains niveaux de capacités inutilisées de production, le biais favorable à une hausse éventuelle du loyer de l'argent vise à freiner le niveau d'endettement des ménages, jugé inquiétant.

La Banque estime que la situation est en train de se stabiliser puisque «la croissance de l'ensemble des crédits aux ménages ralentit».

Selon des données de RBC Capitaux publiées mardi, la croissance annuelle du crédit aux ménages était de 4,1% en avril, contre 5,4% un an plus tôt.

La dette hypothécaire était en hausse de 4,9%, à hauteur de 1165 milliards, alors que sa vitesse de progression était de 5,2% un an plus tôt. Le rythme de croissance enregistré en avril était le plus faible depuis novembre 2001.

Bref, la persuasion morale de la Banque porte ses fruits.

La banque centrale prend aussi acte que la croissance canadienne a sans doute été plus robuste au premier trimestre que la prévision de 1,5% contenue dans son scénario développé dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) d'avril. Statistique Canada devrait confirmer demain qu'elle a dépassé les 2% en rythme annuel. Toutefois, les autorités monétaires maintiennent leur prévision de 1,5% pour l'ensemble de 2013, ce qui signifie que l'expansion des deuxième et troisième trimestres pourrait être moins rapide que les 1,8% et 2,3% projetés en avril.

Le scénario de 1,5% pour 2013 se rapproche de celui publié hier par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L'organisme, établi à Paris, s'attend à une expansion de 1,4% l'an prochain et de 2,3% en 2014. Cette dernière prévision est cependant bien inférieure à celle de 2,8% de la Banque du Canada.

Les principaux risques à son scénario demeurent externes avec la récession européenne et, surtout, le ralentissement en Chine qui pèse «quelque peu sur les cours mondiaux des produits de base». Cela, en revanche, affaiblit le dollar canadien, dont la force représente jusqu'ici une entrave aux exportations.

La Banque reconnaît que l'inflation totale a été plus faible cet hiver que sa projection, bien que son indice de référence, qui exclut les éléments les plus volatils comme les fruits et les légumes, l'essence ou le transport interurbain, évolue selon sa projection.

Pour le reste, les autorités monétaires affirment que la conjoncture internationale et canadienne continue d'évoluer grosso modo selon le scénario du RPM d'avril.

La prochaine date de fixation du taux directeur sera le 17 juillet et coïncidera avec la publication d'une nouvelle mouture du RPM.

La Banque sera alors gouvernée par Stephen Poloz, qui entre en fonction lundi.