Le groupe japonais Softbank a donné des gages à Washington pour calmer les craintes sur la sécurité nationale suscitées par son projet d'alliance avec le numéro 3 américain de la téléphonie mobile Sprint, sur fond d'essor des cyber-attaques imputées à la Chine.

L'opération de 20 milliards de dollars, qui donnerait à Softbank le contrôle de 70% de Sprint, était examinée par le comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS). Les deux groupes ont annoncé mercredi son feu vert, mais au prix d'un droit de regard important du gouvernement sur une partie de leurs activités.

Washington donnera son aval à la nomination d'un des membres du futur conseil d'administration de Sprint, qui sera plus spécialement chargé de superviser les questions liées à la sécurité nationale, détaille un document publié sur le site du gendarme boursier américain (SEC).

Cet administrateur devra notamment être de nationalité américaine et résider aux États-Unis.

Washington avalisera aussi les contrats passés par Sprint avec «certains fournisseurs d'équipements de réseau et prestataires de services».

Cette dernière disposition vaudra également pour le fournisseur d'accès à internet Clearwire, si Sprint concrétise son projet d'en racheter la moitié du capital qu'il ne détient pas encore. Washington pourra en outre dans ce cas réclamer le retrait d'ici fin 2016 de «certains équipements utilisés dans le réseau de Clearwire».

Même s'ils ne sont pas nommés directement, la Chine et plus particulièrement Huawei, deuxième fournisseur mondial d'équipements de réseaux télécoms derrière le suédois Ericsson, sont au coeur des préoccupations de Washington.

Clearwire a confirmé qu'il utilisait des équipements de Huawei, rappelant avoir indiqué en octobre vouloir «réduire de manière importante le poids (du groupe chinois) dans son réseau LTE», de quatrième génération.

«Menace d'espionnage chinois»

«La menace identifiée est la Chine» et «les tentatives de la Chine pour pénétrer la sécurité américaine», indique à l'AFP Robert Enderle, un analyste spécialisé dans le secteur technologique.

L'accord passé avec Washington «devrait protéger le gouvernement, les entreprises et les citoyens (américains) de la menace d'espionnage chinois», souligne aussi un autre expert du secteur, Jeff Kagan.

Les États-Unis ont été victimes ces derniers mois d'une recrudescence d'attaques informatiques, et accusent Pékin d'y jouer un rôle.

Huawei avait été considéré l'an dernier, avec son compatriote ZTE, comme une menace potentielle à la sécurité des États-Unis par une commission du Congrès, en raison de liens réels ou supposés avec le gouvernement chinois. Certains experts jugent aussi ses routeurs trop perméables aux intrusions.

«Nous ne sommes ni plus ni moins sûrs que nos concurrents», s'est défendu William Plummer, vice-président chargé des relations extérieures d'Huawei aux États-Unis.

Interrogé par la chaîne CNBC, il a dénoncé «une sorte de déraillement politique» et appelé les gouvernements à avoir «un dialogue par les voies appropriées pour gérer leurs propres comportements» et lever les craintes pour la cyber-sécurité «sans créer des environnements anticoncurrentiels comme le font les mesures actuelles».

Le groupe chinois a signé ces derniers mois de nombreux contrats en Europe. Les autorités australiennes en revanche partagent les inquiétudes américaines et lui ont interdit l'an dernier de déposer une offre pour un programme d'internet à haut débit.

Selon M. Enderle, «les chances qu'il y ait un logiciel hostile dans les routeurs chinois sont faibles, mais cela pourrait changer, et retirer ces routeurs peut donc sembler prudent». Pour lui, le gouvernement a eu «une approche équilibrée» et «Softbank était obligé d'accepter».