Les enjeux de sécurité nationale aux États-Unis s'immiscent dans la bataille pour le rachat du troisième opérateur de téléphonie mobile du pays, Sprint, qui oppose son compatriote Dish Networks et le groupe japonais Softbank.

Dish est le premier à mettre en avant cette question qui sert sa cause. Son vice-président chargé des questions juridiques, Stanton Dodge, a évoqué jeudi dans un communiqué «les risques sérieux pour la sécurité nationale d'un achat par Softbank de Sprint et de ses actifs stratégiques».

Softbank avait annoncé mi-octobre une offre amicale de 20 milliards de dollars pour prendre le contrôle de 70% de l'opérateur américain et le recapitaliser.

Dish, un bouquet satellitaire, est intervenu mi-avril avec une contre-offre à 25,5 milliards de dollars, visant à le faire fusionner avec Sprint.

Dish avait immédiatement relevé qu'il obtiendrait probablement plus facilement l'aval des autorités américaines que Softbank.

En tant qu'étranger voulant investir dans un secteur stratégique, ce dernier voit en effet son projet soumis à un examen poussé.

Le département de la Justice avait ainsi demandé fin janvier au régulateur des télécoms de ne pas rendre tout de suite sa décision sur l'opération. Il voulait d'abord «vérifier s'il y a de quelconques problèmes de sécurité nationale, d'application de la loi et de sûreté publique», en liaison avec la police fédérale (FBI) et le département de la sécurité intérieure.

À l'époque, les analystes avaient évoqué une procédure «de routine», mais Softbank semble prendre les choses au sérieux.

«Réseau crucial en fibre optique»

Un document de plusieurs centaines de pages transmis le 1er mai au gendarme américain de la Bourse (SEC) par Sprint, détaillant le projet d'alliance, mentionne discrètement le fait qu'un des administrateurs que nommera le groupe japonais sera soumis à l'approbation du gouvernement américain.

«Un des administrateurs nommés par Softbank, soumis à l'approbation du gouvernement, servira comme "administrateur responsable de la sécurité"» dans le cadre d'un accord que le groupe prévoit de passer avec les autorités américaines pour les questions impliquant la sécurité nationale, écrit-il.

Le gouvernement américain voudrait en outre un droit de regard sur certains achats d'équipements par Sprint et le retrait de matériel chinois sur un réseau téléphonique affilié à l'opérateur, selon le Wall Street Journal, qui note qu'une telle ingérence de Washington dans la gestion d'une entreprise privée est inhabituelle.

La question de la sécurité nationale a toutefois pris une ampleur particulière ces derniers mois aux États-Unis avec la multiplication de cas de cyberattaques. La Chine est accusée d'y jouer un rôle central.

Des porte-parole de Softbank au Japon et de Sprint aux États-Unis n'ont pas voulu commenter.

Plus loquace, M. Dodge chez Dish dit craindre «que ces mesures ne protègent pas de manière adaptée nos intérêts nationaux en termes de sécurité». Il rappelle que Sprint a «un réseau crucial en fibre optique» et «des contrats importants pour fournir des services de télécommunication au gouvernement et aux forces de l'ordre».

«Softbank essaye de rendre l'opération acceptable pour les autorités américaines», qui «s'inquiètent de possibles problèmes de sécurité liés à la Chine», souligne Jeff Kagan, un analyste spécialisé dans le secteur des télécoms.

Il relève que le groupe japonais est prêt à renoncer à des équipements fournis par le chinois Huawei, considéré l'an dernier avec son compatriote ZTE comme une menace potentielle à la sécurité des États-Unis par une commission du Congrès, en raison de liens réels ou supposés avec le gouvernement chinois.

«La question est de savoir si cela sera suffisant», ajoute l'analyste.