Si vous comptez sur la poursuite de la remontée récente du dollar canadien avant d'acheter des billets verts pour vos vacances aux États-Unis ou dans certaines îles des Antilles, vous pourriez bien être déçus.

Peut-être notre monnaie flirtera-t-elle avec la parité ces jours-ci une autre fois, mais ce sera de courte durée.

La plupart des prévisionnistes s'attendent à ce que le huard faiblisse au moins jusqu'à l'automne. CIBC et Banque Nationale le voient à 95 cents US cet automne, TD, à 90 cents cet hiver.

La force relative du huard n'est plus justifiée par les éléments fondamentaux qui avaient soutenu sa remontée, depuis son creux de 61,75 cents US du 31 janvier 2002 jusqu'à son sommet de 110,42 cents US du 30 novembre 2007, ou sa poussée depuis 77 cents atteint au creux de la récession de 2009 jusqu'à 106 cents US en juillet 2011.

Dans le premier cas, notre monnaie était sous-évaluée. Le Canada était parvenu à faire le ménage de ses finances publiques tant à l'échelle fédérale que provinciale, sa croissance était soutenue par le super cycle des matières premières qui lui permettait même de dégager un excédent dans sa balance des paiements.

Si 110 cents US était une surévaluation dangereuse, la parité paraissait justifiée. Elle causait néanmoins des torts aux manufacturiers exportateurs dont les coûts de production étaient en dollars canadiens, alors que leurs ventes étaient réalisées en dollars américains.

La récession de 2008-2009 a entraîné un effondrement des prix des ressources (le pétrole est même passé d'un sommet de 145,29$ US le baril, le 3 juillet 2008, à 33,87$ US, le 19 décembre de la même année).

La valeur des exportations canadiennes s'est effondrée. Les finances publiques sont passées au rouge après une décennie de surplus.

Dans pareil contexte, pas surprenant que notre monnaie ait dégringolé. Mais elle a vite remonté la pente. De bonnes raisons justifiaient cette remontée.

Le Canada a été le premier pays du G7 à renouer avec l'expansion. Seuls les États-Unis et l'Allemagne sont aussi arrivés à ce stade de leur cycle économique, bien que plus timidement.

Ni la banque centrale ni Ottawa n'ont eu à sauver une banque à charte. Le système bancaire canadien est jugé le meilleur au monde.

La Banque du Canada ne s'est pas lancée dans les eaux non balisées de la détente quantitative. Elle a même augmenté quelque peu (de 0,25% à 1,0%) son taux directeur, en 2010.

Le Canada a conservé la note de crédit la plus haute auprès des trois grandes agences de notation, avec perspective stable. Ni les États-Unis, ni le Royaume-Uni, ni la France n'ont eu droit à tant d'égard.

La grande nervosité des investisseurs les a amenés à se tourner vers le marché obligataire, où la dette canadienne est jugée parmi les plus attrayantes.

Tous ces éléments ont créé beaucoup de demande pour la monnaie canadienne, même si la balance du compte courant ne s'est jamais redressée depuis la récession. Son déficit équivaut à 3,7% de la taille de l'économie.

Or, le vent commence à tourner.

L'économie américaine se redresse. Son rythme de croissance dépasse celui du Canada. Les sommets des indices boursiers entraînent un certain déplacement des capitaux parqués sur le marché obligataire vers le marché des actions.

La Banque du Canada ne fait plus allusion à une majoration à venir de son taux directeur. Le prochain gouverneur Stephen Poloz est de plus très sensible au tort causé par une monnaie surévaluée.

Enfin, le dollar américain s'apprécie quelque peu, surtout depuis que la Banque du Japon a annoncé qu'elle allait imprimer des yens à la vitesse grand V.

Tout cela milite pour un affaiblissement de notre monnaie au cours des prochaines semaines et des prochains mois.