L'objectif de Start-Up Chile est aussi simple qu'ambitieux: transformer une économie de ressources naturelles en pôle d'innovation.

Le Québec, dont les ressources naturelles représentent encore 40% des exportations et dont le taux d'entrepreneuriat traîne de la patte, pourrait-il s'en inspirer?

Les avis sont partagés.

«Est-ce qu'on a besoin d'un Start-Up Chili au Québec? À mon avis, la réponse est non, dit Gilles Duruflé, expert indépendant québécois du capital de risque. Nous ne sommes pas les champions des champions, mais nous sommes nettement plus avancés. Surtout, nous sommes beaucoup mieux connectés à l'écosystème nord-américain qui domine encore la planète.»

Le Québec, il faut le dire, n'est pas le Chili. Miranda, Biotech Pharma, Beyond the Rack, Enobia, Taleo, Softimage, Coradiant, alouette: pendant que le pays d'Amérique du Sud rêve encore d'un premier succès technologique, la province peut se targuer d'avoir mis au monde bon nombre d'entreprises du savoir qui ont connu du succès.

Ceux dont le métier est de miser sur les jeunes entreprises prometteuses sont aussi beaucoup mieux organisés au Québec qu'au Chili. Avec ses 700 millions en gestion, Teralys est un géant québécois qui n'a aucun équivalent chilien. Des acteurs comme le Fonds de solidarité FTQ ou Novacap, pour ne nommer que ceux-là, investissent depuis des décennies dans des entreprises québécoises du domaine des technologies. Des fonds spécialisés comme iNovia (technologies de l'information), Lumira (biotechnologies) ou Cycle Capital (technologies propres) interviennent aussi dans des secteurs bien précis.

Jacques Bernier, associé principal de Teralys, souligne qu'un événement comme le Startup Festival, qui bat son plein chaque été à Montréal, joue un peu le rôle de Start-Up Chile au Chili. La Maison Notman, le quartier général des entrepreneurs web de la métropole, ou encore le programme d'accélérateur d'entreprises Founder Fuel font aussi la même chose.

«Si l'idée est de créer une communauté et une énergie, il se trouve qu'il y a déjà des gens qui font ça au Québec depuis quatre ou cinq ans», dit-il.

Crédits d'impôt et capital

M. Bernier convient que le Québec a aussi besoin de s'afficher comme une destination de choix auprès des entrepreneurs étrangers. Mais il croit que c'est l'environnement financier de la province - crédits d'impôt et disponibilité du capital - qu'il faut faire miroiter.

«On a un écosystème qui roule, on a notre petite recette qui marche, dit aussi Chris Arsenault, associé principal d'iNovia. Il faut s'assurer de l'entretenir et de veiller à ce qu'on se développe encore.»

Josh Lerner, de la Harvard Business School, n'est pas d'accord.

«Je crois que Start-Up Chile est un modèle parfait pour le Canada, dit-il. Regardez les problèmes de visas et d'immigration que rencontrent bon nombre d'entrepreneurs dans la Silicon Valley... Il me semble que ce programme s'intégrerait de façon très naturelle avec l'environnement canadien.»

Le 1er avril dernier, le gouvernement fédéral a bien lancé Startup Visa Canada, un nouveau programme-pilote qui offre la résidence permanente aux entrepreneurs étrangers qui décrochent du financement au pays.

Ce programme n'est cependant pas offert au Québec. Et plusieurs observateurs croient qu'il aura finalement une portée assez limitée.

Selon Josh Lerner, un programme calqué sur Start-Up Chile pourrait donner une grande visibilité au Québec. Et il écarte l'argument selon lequel le Québec et le Canada sont trop avancés pour en bénéficier.

«Prétendre que l'industrie du capital de risque au Canada est un grand succès serait mentir. Il y a des défis chez vous. Ça a été clairement identifié dans le budget [fédéral] de l'an dernier», dit-il.

«Toronto, Vancouver, Montréal sont déjà des villes internationales avec des gens provenant de partout, ajoute-t-il. Les entrepreneurs s'y sentiraient à l'aise, même s'ils arrivent de l'Inde ou de la Chine. Il me semble que c'est une recette gagnante.»