Quand il s'est mis à douter des calculs de deux professeurs réputés de Harvard, l'automne dernier, Thomas Herndon savait bien que quelque chose ne tournait pas rond. Mais l'étudiant de 28 ans ne pensait pas remettre en cause le fondement des politiques d'austérité et devenir la nouvelle vedette des keynésiens. «Je ne m'attendais jamais à tout ça», dit-il en entrevue à La Presse Affaires.

Il y a trois ans, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, économistes à Harvard, concluaient que les pays avec une dette supérieure à 90% de leur produit intérieur brut (PIB) avaient une croissance économique de -0,1% par année. Les travaux de Reinhart et Rogoff ont été applaudis par les partisans des politiques d'austérité, notamment le candidat républicain à la vice-présidence Paul Ryan. En vérifiant leurs chiffres pour un travail d'université, Thomas Herndon s'est aperçu d'une erreur de codage dans leur fichier Excel. Sans cette erreur, le résultat est bien différent: une croissance économique de 2,2% pour ces pays endettés à plus de 90% de leur PIB.

L'étudiant de l'Université du Massachusetts-Amherst a publié ses découvertes dans un article scientifique le 15 avril dernier. En quelques jours, ses recherches ont été reprises par des économistes influents comme Paul Krugman et le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney. Sa nouvelle célébrité l'a amené à l'émission de télé satirique The Colbert Report. «J'essaie en même temps de terminer mes travaux de session et de passer mes examens. Heureusement, mes professeurs sont très compréhensifs», dit-il.

La relance avant le déficit pour Obama

Thomas Herndon ne s'est pas intéressé à l'étude de Reinhart et Rogoff par hasard. «Les politiques économiques affectent les gens dans leur vie de tous les jours, dit-il. Je suis motivé à faire de la recherche sur les politiques d'austérité car ces politiques ont des effets négatifs sur la vie des gens.»

L'étudiant au doctorat croit que l'administration Obama devrait privilégier un important plan de relance économique plutôt que la lutte contre le déficit.

«La meilleure politique économique serait d'augmenter le déficit et de mettre davantage d'argent dans nos programmes d'infrastructures et à la disposition des gouvernements locaux, dit-il. Le plan de relance [de l'administration Obama] aurait dû être plus important et mieux ciblé. Il faut investir plus massivement dans les projets d'infrastructures, notamment l'économie verte qui crée beaucoup d'emplois.»

À sa troisième année sur six du doctorat en économie, Thomas Herndon doit maintenant se trouver un sujet de thèse. Avec les événements des deux semaines, le choix a-t-il déjà été fait pour lui? «Je n'ai pas encore choisi, mais ça devrait effectivement tourner autour du sujet [des politiques d'austérité et de l'endettement]», dit-il. Il prépare une suite à l'article scientifique qui l'a rendu célèbre. «C'est un sujet qui mérite d'être approfondi», dit-il.

Un futur professeur

Une fois son doctorat en poche, Thomas Herndon aimerait bien devenir professeur d'économie à l'université et contribuer au début public avec ses recherches. Un peu à la manière de Reinhart et Rogoff.

«Ils ont très bien vulgarisé leurs recherches sur un sujet complexe, dit-il. Malheureusement, leurs chiffres n'étaient pas bons.»

Pour contribuer au débat public, Thomas Herndon ne pouvait espérer un départ plus spectaculaire.