L'approbation ou le rejet par la Maison-Blanche du nouveau tracé du projet d'agrandissement de l'oléoduc Keystone XL est attendu prochainement.

L'acheminement additionnel de 830 000 barils de pétrole albertain par jour serait, à n'en pas douter, une grande source de redevances pour la province des scheiks aux yeux bleus et d'impôts sur le revenu des sociétés pour Ottawa.

Reste à voir dans quelle mesure le déversement de 10 000 barils de pétrole albertain en Arkansas à partir d'une fuite du vieux pipeline Pegasus nuira aux chances de réalisation de ce vaste chantier.

Keystone XL permettrait de débloquer en partie l'engorgement pipelinier qui prive la production canadienne de l'accès à son débouché principal.

Mais l'industrie pétrolière canadienne ne serait pas au bout de ses peines pour autant.

Les États-Unis produisent de plus en plus de pétrole de schiste issu du gisement Bakken, au Dakota-du-Nord et au Montana. Cet or noir emprunte les mêmes oléoducs que la production albertaine pour être raffiné et engorge les capacités pipelinières en place.

Certains prévisionnistes pensent que l'autosuffisance américaine est l'affaire d'une vingtaine d'années tout au plus. Le pays produit davantage alors que sa consommation stagne. Depuis deux ans, ses importations de brut diminuent.

Voilà pourquoi la diversification est devenue le leitmotiv de l'industrie pétrolière canadienne, d'Edmonton et d'Ottawa, bien que d'autres embûches devront aussi être surmontées si on veut maintenir en santé la poule aux oeufs d'or noir. Les deux marchés à exploiter sont avant tout l'Est canadien, qui s'abreuve de brut beaucoup plus cher que celui des Prairies, et l'Asie, nouveau pôle de la croissance de la demande.

Dans le premier cas, l'objectif est de devenir fournisseur des raffineries Suncor de Montréal, Ultramar de Lévis et Irving du Nouveau-Brunswick en inversant le flux de la ligne 9 de l'oléoduc d'Enbridge et en prolongeant de Cornwall à Saint-Jean le gazoduc de Trans-Canada qu'on transformerait aussi en oléoduc. L'accès à des terminaux portuaires est également dans les cartons.

Québec s'est déjà montré ouvert à la première éventualité, mais n'a pas fait connaître sa position en ce qui concerne la seconde avenue, annoncée il y a quelques jours seulement.

Dans le deuxième cas, l'idée même de la construction d'un pipeline enjambant les Rocheuses pour relier Edmonton au port en eaux profondes de Kitimat, en Colombie-Britannique, fait l'objet d'une vive opposition des écologistes et de Victoria.

Entre-temps, seul le pipeline ferroviaire et ses coûts plus élevés que le transport par oléoduc peut désenclaver la production albertaine qu'on veut accroître de deux millions de barils par jour d'ici 2020. Cela permettrait au Canada de demeurer quatrième producteur mondial derrière la Russie, l'Arabie Saoudite et les États-Unis, mais devant la Chine et l'Irak.

L'offre mondiale de pétrole augmente rapidement. Outre la hausse de la production américaine, il faut désormais compter sur la rapide poussée de la production irakienne d'un pétrole léger de grande qualité capable d'abreuver la demande asiatique.

Il y a quelques années à peine, le Canada était parmi les rares pays à permettre à des capitaux étrangers d'exploiter ses ressources. Ces capitaux ont afflué. Même la société d'État chinoise CNOOC a pu mettre la main sur Nexen, moyennant plus de 15 milliards.

D'autres pays se montrent désormais accueillants. Outre l'Irak, il faut compter aussi sur le Mexique. Les investisseurs iront vers les pays les plus accueillants et les plus aptes à livrer leur production.

Dans pareil contexte, la partie, qui naguère s'annonçait facile pour le Canada, est désormais loin d'être gagnée.