Les prix à la consommation au Canada ont bondi d'un étonnant 1,2 pour cent en février, une forte hausse des prix de l'essence ayant alimenté la plus forte hausse mensuelle de l'inflation depuis janvier 1991.

Le gain mensuel a fait grimper en février l'inflation annuelle du pays de 0,7 point de pourcentage, aussi à 1,2 pour cent, renversant une tendance de plus faibles hausses qui avait ramené l'indice des prix à la consommation à 0,5 pour cent en janvier, son plus faible niveau en plus de trois ans.

Les économistes s'attendaient à ce que l'inflation recommence à progresser, particulièrement en raison des prix de l'essence, dont la hausse était déjà connue, mais ils misaient sur une augmentation annuelle de 0,8 pour cent et sur une hausse mensuelle de 0,7 pour cent.

Malgré le choc mensuel qu'a connu l'inflation, les analystes ont indiqué que les Canadiens n'avaient pas à s'inquiéter de quoi que ce soit et que la Banque du Canada le considérerait probablement comme une anomalie. Le mouvement «en montagnes russes» de l'inflation est probablement attribuable à des facteurs temporaires qui exercent des pressions à la hausse et à la baisse, ont-ils précisé.

«Ça a été une surprise mais cela reposait sur des facteurs temporaires qui devraient s'atténuer dans le prochain mois ou le suivant, alors je suis prêt à en faire abstraction», a expliqué Derek Holt, vice-président des études économiques chez Scotia Capitaux.

M. Holt a noté qu'une hausse des prix de l'essence aussi marquée de celle de janvier à février - 8,4 pour cent - ne s'était pas répétée en mars.

Pas d'impact sur les taux d'intérêt

L'économiste en chef de la Banque de Montréal, Doug Porter, a estimé que les chiffres de février démontraient probablement que les importants rabais consentis pendant la période de magasinage des Fêtes avaient pris fin.

En outre, la plus forte inflation, même si elle ne représente pas une bonne nouvelle pour les consommateurs, reste inférieure à la cible préconisée par la Banque du Canada, qui vise plutôt un taux le plus près possible de deux pour cent.

Cela devrait mettre fin aux rumeurs voulant que la banque centrale puisse réduire ses taux d'intérêt pour relancer l'économie, a ajouté M. Porter.

Une période prolongée d'inflation inférieure est un indicateur de la faiblesse de la demande nationale, qui, dans le pire cas, pourrait affaiblir l'économie en encourageant les consommateurs à reporter des achats dans l'espoir que les prix finissent par reculer. La banque centrale hésiterait probablement à réagir à ce phénomène avec une baisse des taux, de crainte que les Canadiens n'en profitent pour emprunter davantage et augmenter le poids de leur dette.

«Certains évoquaient la possibilité que la Banque du Canada réduise ses taux en raison du risque de déflation, mais ceci vient d'éliminer cette possibilité», a indiqué M. Porter.

Selon l'analyste David Madani, de Capital Economics, l'étonnant rapport dévoilé pour le mois de février n'altère pas les attentes à long terme de l'inflation, qui ne lui accordent plus beaucoup d'influence au Canada.

«Avec une croissance économique qui devrait rester en-dessous du potentiel économique, nous nous attendons à ce que les pressions à la baisse sur l'inflation s'intensifient au cours des prochains mois», a-t-il affirmé.

Les économistes s'attendent généralement à ce que la croissance économique soit limitée à 1,6 pour cent cette année - sa progression la plus lente depuis le début de la reprise en juillet 2009. Capital Economics est encore plus pessimiste et prévoit une croissance de 1,2 pour cent.

Selon la plupart des analystes, le soubresaut mensuel de l'inflation n'aura pas de conséquence sur la prochaine décision de la Banque du Canada quant à son taux d'intérêt directeur. Le gouverneur Mark Carney devrait conséquemment maintenir le taux à un pour cent et rester prudent dans ses prédictions quant à une éventuelle hausse des taux. Selon M. Holt, la banque centrale préfère se concentrer sur la relance de la croissance plutôt que sur l'inflation.

Plusieurs secteurs en hausse

La hausse des prix de l'essence en février a poussé leur croissance annuelle à 3,9 pour cent, ce qui a contribué au gain de deux pour cent des coûts d'ensemble du secteur des transports par rapport à l'année dernière.

Les vendeurs de pièces d'automobiles ont aussi vu leurs prix grimper de 2,1 pour cent par rapport au mois précédent et de 2,5 pour cent par rapport à l'année dernière, un moins grand nombre de rabais de constructeurs ayant été offerts en février.

Selon Statistique Canada, plusieurs autres secteurs ont observé des hausses de prix, ce qui a fait progresser l'inflation de base, qui exclut les prix des éléments les plus volatils, comme ceux l'essence et des fruits et légumes frais, de près d'un demi-point à 1,4 pour cent. Les économistes s'attendaient à ce que l'inflation de base reste à 1,0 pour cent.

Les prix des vêtements ont crû de cinq pour cent de janvier à février, ceux des aliments ont avancé de 0,9 pour cent - y compris une croissance de 6,4 pour cent des prix des légumes frais -, tandis que ceux de l'hébergement ont progressé de 4,5 pour cent.

Sur une base annuelle, les aliments achetés au restaurant ont coûté 2,2 pour cent de plus, les aliments 1,9 pour cent de plus, les prix des loyers ont progressé de 1,6 pour cent, les coûts de remplacement par le propriétaire ont avancé de 2,3 pour cent et les produits de l'alcool et du tabac ont coûté deux pour cent plus cher.

Certains éléments ont cependant vu leurs prix reculer. Les coûts d'intérêt ont diminué de 4,2 pour cent en février par rapport à l'an dernier, ceux de l'équipement vidéo ont cédé 10,2 pour cent, ceux des vêtements pour enfants ont reculé de 6,5 pour cent et ceux de l'équipement et des appareils informatiques ont diminué de 5,1 pour cent.

Selon l'agence gouvernementale, l'inflation a accéléré le mois dernier dans chacune des 10 provinces canadiennes. C'est à Terre-Neuve-et-Labrador qu'elle a été la plus forte, à 2,3 pour cent, tandis qu'elle s'établissait à 1,4 pour cent au Québec.