La décision du G20 de ne pas condamner expressément le Japon pour sa volonté avouée de dévaluer le yen était empreinte de sagesse davantage que de lâcheté.

Ce n'est pas que sagesse diplomatique. Certes, on ne cherche pas à froisser inopinément la troisième puissance économique du monde.

Le recul prononcé du yen par rapport au billet vert depuis le début de l'année peut s'expliquer beaucoup par des facteurs internes, ont jugé les participants au sommet de Moscou: l'économie japonaise est retombée en récession et elle enregistre un déficit commercial pour une rare fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le désir de Tokyo de la relancer grâce à un programme de dépenses publiques équivalant à 2,2% du produit intérieur brut (PIB) nippon va porter la dette gouvernementale brute à hauteur de 245% du PIB. Cela ne peut qu'affaiblir la monnaie de l'empire du Soleil-Levant, à court terme.

Même l'auteur de la formule «guerre des monnaies», le Brésilien Guido Mantega, a affirmé que le Japon a adopté «une démarche visant son développement économique et pas une dévaluation intentionnelle».

Bref, c'est comme si le G20 considère que Tokyo agit à la manière de la Réserve fédérale américaine. L'été dernier, elle s'est lancée dans une troisième ronde de détente quantitative (DQ3) afin de stimuler une reprise toujours fragile, trois ans après son début. La plupart des monnaies (mais pas toutes) des pays émergents se sont appréciées par rapport au billet vert, depuis.

Cela n'a pas empêché le gouverneur de la Banque du Mexique, Agustin Carstens, d'affirmer la semaine dernière que pareil phénomène était un peu normal, étant donné que la croissance des pays émergents est généralement plus rapide que celle des États-Unis.

À la différence du premier ministre japonais Shinzo Abe, qui ne cache pas son désir de voir le yen s'échanger dans une fourchette de 95 à 100 contre un billet vert, le président de la Fed, Ben S. Bernanke, n'a jamais évoqué une cible de taux de change. Les autorités politiques et monétaires américaines répètent même souhaiter un dollar fort, même si personne n'est dupe.

Le communiqué final de la réunion des ministres des Finances du G20 précise ceci: «Nous ne fixerons pas de cibles de taux de change à des fins de compétitivité.» Ce qui signifie avant tout que personne ne le déclarera plus publiquement.

Plusieurs facteurs agissent par ailleurs de manière concomitante dans la variation des taux de change, ce qui rend difficile de contrôler le taux de change sans danger comme s'y risque la Banque nationale de Suisse depuis bientôt deux ans.

Prenons le cas du dollar canadien: son appréciation à l'égard du billet vert depuis 2003 était causée d'abord par le double mouvement de la dépréciation du dollar américain et de la poussée des prix des matières premières, du pétrole tout particulièrement, qui en a découlé.

Le retour à la parité qui a suivi la récession de 2008-2009 a été mû par une autre dynamique: le dollar américain est resté relativement stable par rapport à la plupart des monnaies des économies avancées. C'est plutôt l'intérêt étranger pour la dette canadienne qui a créé beaucoup de demande pour le dollar canadien.

On s'arrache tellement les obligations du Canada que notre monnaie s'est maintenue au-delà de la parité, malgré la chute du prix du pétrole albertain que nous exportons alors que le prix de celui que nous importons n'a pas cessé de monter.

Toutefois, les mauvais chiffres de l'économie canadienne affaiblissent notre monnaie depuis le début de l'année. Le huard a atteint un sommet de 103,28 cents US le 13 septembre dernier, jour correspondant à l'annonce de la troisième DQ de la Fed. Hier, il est passé sous la barre des 99 cents.

Le huard connaît le même mouvement devant l'euro: il cotait 82,25 centimes le 15 août, mais 74 centimes hier.

Tout cela, sans que la Banque du Canada n'ait levé ni le ton ni même le petit doigt.