Devant l'évidence d'une croissance atone, d'une inflation anémique, du ralentissement de la consommation, des investissements des entreprises et des exportations, la Banque du Canada reconnaît qu'elle ne pourra augmenter de sitôt son taux directeur qu'elle estime très accommodant.

Son taux cible de financement à un jour, fixé à 1% depuis septembre 2010, restera encore à ce niveau exceptionnellement faible pendant plusieurs trimestres. «Bien qu'une réduction modeste de la détente monétaire sera probablement nécessaire de façon à atteindre la cible d'inflation de 2%, les perspectives plus modérées en matière d'inflation et l'amorce d'une évolution plus constructive des déséquilibres dans le secteur des ménages laissent entrevoir qu'une telle réduction est moins imminente que prévu auparavant», a-t-elle indiqué hier en le reconduisant tout en publiant son Rapport sur la politique monétaire.

Ce faisant, la Banque signale aussi qu'elle ne veut pas abaisser davantage son taux directeur, malgré le passage à vide de la croissance.

Devant la presse, le gouverneur Mark Carney a apporté cette précision sur l'expression sibylline «moins imminente»: «L'orientation est claire, mais l'horizon s'est déplacé.»

Par la suite, M. Carney a renforcé la perception de ceux qui croient qu'un resserrement n'est pas à portée de vue: «Il existe encore une possibilité de resserrement durant la période de projection», a-t-il répondu à la suggestion que la Banque abandonne simplement son penchant à vouloir normaliser son taux directeur. Rappelons qu'elle est la seule parmi les banques centrales des pays avancés à signaler une volonté de resserrement.

Le Rapport précise néanmoins que le scénario de la Banque «intègre une réduction de la détente monétaire se réalisant progressivement au cours de la période de projection». Ce scénario sera révisé en avril.

Les autorités monétaires estiment désormais que l'expansion de l'économie canadienne a été contenue à 1% seulement durant l'automne. En octobre, elles avaient misé sur un rythme annualisé de 2,5%. Leur estimation prudente de 1% pour le troisième trimestre s'était après coup révélée trop optimiste puisque l'expansion estivale n'aura été que de 0,6%.

En conséquence, ce n'est qu'au deuxième trimestre de 2013 que la croissance regagnera vraiment du tonus avec un rythme de 2,7%, puis de 2,9% au second semestre.

Pour l'ensemble de 2013 et de 2014, la Banque prévoit une expansion de 2,0% et de 2,7% qui fera suite à celle qu'elle estime avoir été limitée à 1,9% en 2012.

Le ralentissement observé depuis l'été est avant tout attribuable aux difficultés du secteur pétrolier, lesquelles ont retranché neuf dixièmes de point à la croissance du troisième trimestre.

Cela a creusé l'écart entre la croissance réelle et la croissance potentielle estimée à 2,1%. Ce n'est désormais qu'au second semestre de 2014 que l'économie canadienne devrait retrouver son plein potentiel, soit un semestre environ plus tard que ce que les autorités monétaires avaient prévu dans leur scénario d'octobre.

Les capacités excédentaires présentes dans l'économie ralentissent la progression des prix. Cela explique en grande partie la faiblesse de l'inflation. Selon le nouveau scénario de la Banque, tant l'inflation globale que de base demeureront sous la barre des 2% jusqu'à l'été 2014, en raison d'une baisse plus prononcée que prévu des prix de l'essence (dans l'ouest du pays) et des marges bénéficiaires des entreprises.

La Banque estime aussi que la contribution du commerce extérieur aura été négative en 2012. Pour l'année en cours, elle redeviendra légèrement positive. La faible demande extérieure, la compétitivité défaillante et la force persistante du dollar canadien expliquent cette contre-performance.

Ce n'est qu'au deuxième trimestre de l'an prochain que les volumes de nos expéditions internationales retrouveront leur niveau prérécession.

En 2013, la demande intérieure finale assurera encore le gros de l'expansion avec un apport de 1,8 point de pourcentage sur un total de 2%. La consommation des ménages y contribuera à hauteur de 1,1 point, les administrations publiques de trois dixièmes et les investissements des entreprises, de cinq. Pour la première fois du présent cycle, le logement amputera un dixième.

L'augmentation des stocks et le commerce extérieur apporteront les deux autres dixièmes.

Comme d'habitude, le nouveau scénario est assorti de risques haussiers et baissiers.

Parmi les premiers, il faut retenir une croissance américaine plus forte que les 2,1% et 3,1% escomptés, des exportations plus importantes et une relance de l'investissement résidentiel.

Parmi les seconds, il y a l'aggravation possible de la crise européenne, la faiblesse prolongée des exportations et des investissements des entreprises et l'affaiblissement prononcé des dépenses des ménages.