Dénicher le bon associé quand on fait le métier hyperspécialisé de financer des entreprises technos, c'est un peu comme chercher l'âme soeur. Andrée-Lise Méthot, de Cycle Capital Management, l'a trouvé au terme d'un recrutement qui a impliqué une agence de rencontre, un vieux sage... et beaucoup d'émotions.

«C'est comme un mariage, lance Andrée-Lise Méthot, fondatrice et associée principale de Cycle Capital. On vient de s'embarquer pour au moins 10 ans. Ça fait maintenant deux semaines et, pour l'instant, ça va bien!»

Mme Méthot présente son nouveau bras droit, Claude Vachet, avec un immense sourire. Les deux comparses piloteront désormais ensemble une entreprise unique au Québec, dont la mission est de miser des fonds sur de jeunes boîtes de technologies vertes dans l'espoir d'en faire des succès.

Mais derrière l'embauche de M. Vachet se cache une opération d'une ampleur insoupçonnée, qui illustre à quel point il est crucial et difficile pour les petites firmes spécialisées de recruter les bons dirigeants.

Un départ

C'est en octobre 2011 que Mme Méthot doit réagir. Son associé, Bernhardt Zeisig, quitte l'entreprise. L'homme s'est avéré un précieux partenaire lors du lancement de Cycle Capital, mais la croissance qui a suivi a compliqué la collaboration entre les deux têtes dirigeantes.

Le départ pose problème. C'est que malgré un enthousiasme légendaire dans l'industrie, Andrée-Lise Méthot ne peut piloter seule un tel navire. Au moment du départ, Cycle a misé plus de 40 millions de dollars sur une dizaine d'entreprises qu'elle doit continuer de soutenir pour espérer un rendement. L'entreprise vient aussi de lancer un deuxième fonds et cherche de nouvelles sociétés sur lesquelles miser.

Hubert Manseau, vieux routier du capital de risque qui a notamment piloté la société Innovatech du Grand Montréal, est appelé en renfort. Mais dans une industrie où il faut attendre 10 ans avant de voir la couleur de son investissement, il n'accepte qu'un mandat temporaire.

Il faut donc recruter un candidat qui, lui, acceptera de travailler main dans la main avec Mme Méthot pendant 10 ans. Et celle-ci ne veut pas se tromper.

«Le problème, c'est que l'industrie du capital de risque est assez nouvelle au Québec, souligne Mme Méthot. Il y a très peu de gens qualifiés sur le marché!»

Avec la collaboration étroite de M. Manseau, elle se met à la chasse. Des proches suggèrent l'embauche de GH Smart - une «agence de rencontre» américaine spécialisée dans le capital de risque.

«Je vous laisse imaginer ma première réaction», lance Andrée-Lise Méthot, qui décide pourtant de tenter l'expérience.

GH Smart met son homme Rodgers Palmer dans un avion en direction de Montréal. Sa mission: dresser un portrait d'Andrée-Lise Méthot incluant ses forces, ses faiblesses et ses traits de personnalité. M. Palmer fait une entrevue-fleuve de cinq heures avec Mme Méthot, puis contacte ses employeurs et ses anciens collègues. Un véritable travail de détective.

Il dresse le portrait d'une femme énergique qui a tissé de précieux liens avec la communauté. «Elle a un talent réel pour motiver et susciter l'enthousiasme autour de sa vision», confie M. Palmer à La Presse Affaires.

Mais Mme Méthot, ancienne militante qui a déjà arraché l'asphalte des ruelles pour créer un monde plus vert avant de se tourner vers la finance pour atteindre ses objectifs, est relativement nouvelle dans l'industrie du capital de risque.

«Pour ce qui est de gérer les entreprises du portefolio et préparer les sorties, il y avait des expertises complémentaires à aller chercher», explique M. Palmer.

Mme Méthot reçoit le rapport de GH Smart comme une révélation.

«Ça m'a vraiment aidé à me connaître, dit-elle. C'est drôle à dire, mais ça m'a amené la paix. Je ne me sens plus obligée aujourd'hui d'être bonne partout.»

Entre-temps, Hubert Manseau fait de l'oeil à Claude Vachet, ancien collègue qui semble avoir la feuille de route parfaite pour le poste. En 22 ans d'expérience, M. Vachet a paricipé à 44 entreprises en démarrage au sein de 5 fonds de capital de risque. Et, Ô miracle, il vient de boucler son dernier fonds et est disponible.

M. Vachet passe lui aussi sous la loupe de GH Smart, qui estime son expérience et sa personnalité complémentaires à celles de Mme Méthot. Question de minimiser les risques de friction, l'entreprise s'assoit longuement avec les deux candidats pour définir leurs tâches et s'assurer que les atomes crochus sont là.

Le 17 décembre dernier, Cycle Capital annonce officiellement l'embauche.

«C'est incroyable de voir tout le soutien que j'aie eu au cours du processus, commente Mme Méthot. Les gens de l'industrie au Québec veulent vraiment que ça marche.»

Le repos sera cependant de courte durée. Parce que Cycle Capital est sur le point de conclure le financement d'un troisième fonds. Et il faut déjà penser à recruter... un troisième dirigeant.