Au terme de sa dernière réunion de l'année, demain, le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine fera plusieurs annonces qui suscitent déjà beaucoup de conjectures.

La banque centrale dirigée par Ben S. Bernanke doit démontrer sa capacité à stimuler davantage une expansion encore molle. Elle doit en même temps se garder des munitions fraîches pour faire face aux conséquences du compromis qui sera ou ne sera pas forgé par le Congrès afin de contenir de manière crédible et durable le déficit budgétaire et l'augmentation de la dette fédérale.

«Plus la Fed dit qu'elle peut en faire, plus elle retarde la résolution du problème budgétaire, fait remarquer Jean-Pierre Aubry, économiste et fellow associé au CIRANO. Chaque initiative assèche la rentabilité de l'épargne.»

M. Aubry doute de l'efficacité réelle des récentes annonces de la Fed, mais il croit qu'il y en aura de nouvelles.

Que mettra-t-elle en place pour prendre le relais de l'opération Twist (OT) qui vient à terme à la fin du mois? L'OT, rappelons-le, consiste à troquer à raison de 45 milliards par mois des obligations du Trésor de courte échéance contre d'autres de plus longue. Son objectif est d'infléchir les taux d'intérêt à long terme afin de diminuer les coûts d'emprunt des petites entreprises et des ménages désireux d'acheter une maison.

Depuis le début de l'OT, plus de 660 milliards d'obligations ont ainsi été échangées.

L'OT ne consiste pas à imprimer de l'argent, comme le fait par exemple la troisième ronde de détente quantitative (DQ) annoncée en septembre. Celle-ci consiste à acheter des créances adossées à des prêts hypothécaires émises par les endosseurs de prêts Freddy Mac et Fannie Mae. Le rythme des achats est de 40 milliards par mois pendant une période indéterminée.

Ménages et entreprises dans la ligne de mire

Plusieurs économistes spéculent sur la volonté de la Fed de remplacer l'OT par une quatrième ronde de DQ de même ampleur que l'OT, visant à acheter la dette américaine sur les marchés primaire et secondaire.

D'autres se rangent plutôt derrière l'opinion du président de la Fed de Saint Louis, James Bullard, selon qui monétiser à hauteur de 25 milliards par mois aurait le même effet que l'OT.

Il reste aussi à voir si la durée de la nouvelle DQ sera précisée ou indéterminée comme la troisième DQ.

On peut se demander si le jeu en vaut la chandelle. Comme le note Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux, «les dépenses de consommation sont faibles tandis que les investissements des entreprises ont diminué au troisième trimestre» malgré les torrents de liquidités émis par la Fed.

La conférence de presse que donnera M. Bernanke permettra aussi de jauger où se dirige la Fed. Elle suivra la publication de la mise à jour de ses prévisions économiques. En septembre, elles avaient été révisées à la baisse avec une projection de croissance de 2,5% à 3,0% l'an prochain et de 3,0% à 3,8% pour 2014 et 2015.

Chômage

La Fed prévoyait aussi que le taux de chômage allait se situer dans la fourchette de 7,6% à 7,9%, l'automne prochain. Le mois dernier, il s'élevait à 7,7%. Ce chiffre cache toutefois une réalité plus sombre: le taux d'emploi n'est que de 58,7%.

Par le passé, M. Bernanke a précisé que la Fed allait peut-être fixer des cibles en matière de chômage comme elle en a une pour l'inflation, soit 2%.

Si tel est le cas, le taux de chômage est un mauvais indicateur. Il peut diminuer soit parce que les embauches sont nombreuses, soit parce que beaucoup de chercheurs d'emploi se découragent et quittent les rangs de la population active. C'est précisément ce qui explique pourquoi le taux est passé de 7,9% à 7,7% le mois dernier.

Les membres du Comité monétaire vont aussi chacun indiquer quand ils prévoient qu'un premier tour de vis sera donné au taux directeur, qui oscille dans une fourchette de 0% à 0,25% depuis décembre 2008. En septembre, le résultat moyen donnait début 2015. Ce pourrait de nouveau être retardé.