Encore une année de transition en 2013, peut-on dire. C'est l'histoire de tout le présent cycle économique qui n'en finit plus de se purger des excès du système financier, de s'ajuster à des programmes sociaux et militaires ou à une fiscalité inadéquate que la croissance économique peine à soutenir. Et cette fois, il n'y aura pas d'échappée belle pour nous.

Le Canada, et le Québec en particulier, ne pourront plus plastronner comme nous l'avons fait depuis le début de la reprise. La croissance sera faible l'an prochain. Elle pourrait même être compromise, si la classe politique américaine ne parvient pas vite à forger un compromis viable et crédible pour contenir la crise budgétaire et fiscale qui guette les États-Unis.

Ce sont des perspectives empreintes de beaucoup de prudence et d'une certaine lassitude qui marquent la 37e édition des Boules de cristal de La Presse.

«Le Canada est le champion des dépenses de consommation du G7 depuis la reprise. C'est intenable, lance d'emblée Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale. Le secteur résidentiel ne sera plus là pour soutenir la croissance. Il ne reste que le manufacturier aux prises avec un vieux problème de productivité.»

«Au Québec, on pense qu'il y aura un retour des choses après la faiblesse de 2012, nuance François Dupuis, économiste en chef chez Desjardins. On peut espérer un peu plus d'investissement privé, mais nous traversons une transition très précaire.»

Maurice N. Marchon, professeur titulaire à HEC Montréal, fait par ailleurs remarquer que les prix des ressources naturelles n'augmenteront pas assez pour rentabiliser les énormes investissements engagés ou promis ces dernières années. «Les rendements attendus ne seront peut-être pas au rendez-vous». Il en résultera une diminution des investissements des grandes entreprises, vus pourtant par la Banque du Canada comme un des rares vecteurs de croissance susceptibles de prendre le relais des ménages.

«On ne profitera peut-être pas beaucoup cette fois-ci de l'expansion américaine», déplore pour sa part Carlos Leitao, économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Il ajoute qu'il ne faudrait pas une hausse marquée du chômage pour que l'endettement des ménages devienne un réel sujet d'inquiétude.

Productivité et fiscalité

M. Marion souligne que la révolution énergétique qui a cours aux États-Unis change complètement la donne économique de l'Amérique du Nord. Les coûts énergétiques des entreprises américaines diminuent déjà alors que le marché de l'électricité devient plus fermé à Hydro-Québec.

«Le Québec n'est pas préparé à ça. Quelle est sa capacité d'adaptation alors que le taux d'imposition de la PME est deux fois plus élevé qu'en Ontario?»

«Un programme pour favoriser les investissements de 350 millions et plus, c'est bien, mais comment stimuler la PME, l'entreprenariat, l'innovation?» demande M. Leitao.

«On pratique la théorie de l'entonnoir avec des solutions fiscales à court terme, renchérit M. Dupuis. Ça fait 10 ans qu'on parle de défis. On a peut-être un peu gagné celui de la lutte contre la pauvreté, mais les autres?»

Et encore, cette victoire à l'arraché l'a été au prix d'une ponction fiscale accrue de 12 milliards en cinq ans. À l'échelle des États-Unis, c'est l'équivalent de 600 milliards, soit l'ampleur du mur budgétaire (fiscal cliff) qu'ils tentent d'aplanir pour éviter la récession.

Quant à nous, nous l'avons déjà percuté.

«On a besoin de politiciens qui ont une vision plutôt que des gens qui gèrent à court terme selon les sondages», estime M. Marchon.

Notre quartet souligne qu'on peut déplorer l'approche conservatrice du gouvernement fédéral, reste que sa démarche est susceptible d'assurer la maîtrise des finances publiques à moyen et long terme.

La seule façon aux yeux de tous de maintenir nos programmes sociaux, c'est par une augmentation des revenus, (on ne peut parler de création de richesse au Québec, rectitude politique oblige!), par une participation accrue au marché du travail, pour que davantage de gens payent plus d'impôts. (Deux Québécois sur cinq ne payent pas d'impôt provincial, faute de revenus suffisants.)

M. Marion souligne que le taux de participation des 55 ans et plus n'est que de 32% au Québec, contre 38% dans le reste du Canada et 40% aux États-Unis.

C'est sur la rétention des 55-62 ans qu'il faut avant tout travailler.

Le faible potentiel de croissance économique du Québec ralentit l'augmentation naturelle de l'assiette fiscale, comme en témoigne la prévision moyenne d'une hausse de 3,375% du produit intérieur brut (PIB) nominal. Il s'agit de la variation de la taille de l'économie mesurée en dollars courants par opposition au PIB réel qui la mesure en dollars constants.

«Si le Québec ne génère pas plus de revenus, il fera face à un déficit structurel», prévient M. Marion.

Alors, contrôler l'augmentation des dépenses ne suffira plus. Il faudra sabrer certains programmes.

La relance des exportations doit reposer davantage sur les PME, plaide M. Marion. Il déplore que le Québec les impose deux fois plus qu'ailleurs au Canada.

Déjà les finances publiques

L'an dernier, nos experts avaient pris en compte l'assainissement des finances publiques pour limiter la croissance canadienne à 2,2% et celle du Québec à 1,7%. Ils ont été près de la réalité canadienne, mais ont un peu surévalué la croissance québécoise. Quant à l'américaine sur laquelle ils divergeaient, leur prévision moyenne de 2,15% est bien près du mille.

Ils avaient même souligné que le risque de 2013 serait le mur budgétaire américain, mais ils misaient sur la sagesse du Congrès. Cela reste à voir.