L'agence d'évaluation Moody's a privé lundi à son tour la France de la note financière d'excellence AAA, dix mois après Standard and Poor's, une sanction aussitôt prise par le gouvernement comme une incitation à appliquer «rapidement» ses réformes.

La dette publique de long terme de la France est désormais notée Aa1 par Moody's, soit un cran en-dessous de la meilleure distinction dont elle jouissait jusque-là. Mais l'agence a aussi assorti cette note d'une perspective négative, ce qui signifie qu'elle menace de l'abaisser à nouveau à moyen terme.

La France «est encore bien notée», a réagi auprès de l'AFP le ministre des Finances Pierre Moscovici, en marge d'un déplacement à Grenoble.

Selon le ministre, «cette décision concerne la situation laissée par nos prédécesseurs: perte de compétitivité, faible croissance, déficit croissant». «C'est une sanction de la gestion du passé», a-t-il dit.

Moody's est la deuxième des trois grandes agences de notation internationales à retirer à la France son prestigieux «triple A». Standard and Poor's (SP) avait dégainé la première, le 13 janvier 2012, en pleine campagne présidentielle française alors même que le chef de l'État de l'époque, Nicolas Sarkozy, avait fait du maintien du AAA une priorité.

La troisième agence, Fitch est désormais la seule à noter la France «triple A», même si elle menace aussi de l'abaisser, en 2013.

Depuis la décision de SP en début d'année, seuls quatre pays de la zone euro bénéficient encore d'un AAA auprès des trois grandes agences: l'Allemagne, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas. Il s'agit d'États du nord de l'Europe, ce qui a accentué les divisions politiques, face à la crise, avec des pays du Sud, comme l'Italie ou l'Espagne, mais aussi avec la France.

Pour autant, la décision de SP n'avait pas eu d'effet sur les marchés et, dix mois plus tard, la France emprunte même à des taux d'intérêt historiquement bas, plus faibles qu'à l'époque de la dégradation.

L'ouverture des Bourses européennes mardi, au lendemain d'un net rebond et alors que la crise de la zone euro traverse plutôt une accalmie depuis l'été, sera donc scrutée avec attention. Cependant les experts interrogés par l'AFP ne s'attendaient pas à un impact significatif.

Pour justifier sa décision, Moody's, qui menaçait d'abaisser la note française depuis le 13 février, a invoqué un «risque» qui plane sur la croissance économique de la France, et donc sur ses finances publiques, en raison de «multiples défis structurels», dont «une perte de compétitivité graduelle, mais continue» et «des rigidités des marchés du travail, des biens et des services».

L'agence salue les réformes récemment annoncées par le gouvernement, et son «fort engagement» à les mettre en oeuvre. Mais elle rappelle que la France a rarement réussi à faire aboutir de telles réformes ces vingt dernières années, et juge que les mesures promises aux entreprises «ne devraient pas, seules, avoir l'ampleur suffisante pour rétablir la compétitivité».

La dégradation «nous incite à mettre en oeuvre rapidement nos réformes» en faveur de la compétitivité et la modernisation du marché du travail, a assuré Pierre Moscovici.

Moody's cite aussi des «perspectives budgétaires incertaines en raison de la dégradation» économique. Enfin, selon elle, la capacité de la France à résister à d'éventuels nouveaux chocs futurs de la zone euro «diminue», et ce d'autant que son exposition aux pays fragiles de l'Union monétaire, via les liens commerciaux ou bancaires, «est beaucoup trop importante».

Avant l'élection présidentielle de mai, le candidat socialiste François Hollande avait prévenu: si Moody's dégrade la France, il s'agira d'une «note accordée à la gestion de Nicolas Sarkozy».

Sur la scène européenne, la décision de l'agence peut aussi avoir des répercussions.

L'abaissement de la note de la France par SP en janvier a coûté son «triple A» aussi au fonds de secours temporaire de la zone euro, le Fonds européen de stabilité financière (FESF), garanti par les États de l'Union monétaire. La situation devrait être un peu différente avec le Mécanisme européen de stabilité (MES), car ce pare-feu permanent dispose d'un capital de 80 milliards d'euros qui lui permet d'être moins sensible aux changements de notation des États de la zone euro.