Les résultats de l'élection présidentielle d'hier changent peut-être la donne quelque peu, mais le Québec ne doit ménager aucun effort pour relancer ses relations commerciales, touristiques et culturelles avec les États-Unis.

L'an dernier, le Québec a dégagé un excédent commercial de 21,9 milliards de dollars avec son grand voisin. Seule l'Alberta a fait davantage, grâce avant tout à ses livraisons d'hydrocarbures. L'Ontario, qui exporte aux États-Unis plus que le triple des livraisons québécoises, a en comparaison un surplus d'à peine 890 millions, soit trois fois moins que la petite Nouvelle-Écosse.

Néanmoins, les livraisons québécoises vers les États-Unis n'ont pas cessé de diminuer depuis le tournant du millénaire. En 2002, elles s'élevaient à 57,2 milliards, comparativement à moins de 43 milliards l'an dernier.

Dans la nouvelle édition de Perspective Revue d'analyse économique publiée par le Mouvement Desjardins, l'économiste Joëlle Noreau dresse un portrait méticuleux des nombreuses facettes des relations tissées serrées entre le Québec et les États-Unis et des défis qu'elles posent.

Elle cerne les causes du déclin de nos exportations qui ont eu pour effet de créer un déficit structurel de nos échanges commerciaux internationaux, à l'intérieur d'une décennie seulement.

En 2001, le Québec avait enregistré un surplus de 9,1 milliards. En 2002 est survenue la fermeture de l'usine GM à Boisbriand qui a, à elle seule, retranché de façon récurrente près de 1 milliard d'exportations.

L'éclatement de la technobulle a entraîné la faillite de Nortel et la disparition d'acteurs importants comme C-Mac.

«À ces éléments s'ajoutent les déconvenues de l'industrie du bois (conflit commercial sur le bois d'oeuvre, effondrement du marché résidentiel américain, etc.), le déclin continu de la demande pour le papier journal et l'appréciation du dollar canadien», note Mme Noreau.

Les ravages de la remontée du huard sont de double nature: diminution de la compétitivité des manufacturiers exportateurs et de la valeur de leurs ventes en dollars américains converties en dollars canadiens.

En prime, le prix du baril de pétrole (Brent) est passé de 30$US à jusqu'à 140$US et demeure bien au-dessus des 100$US, ce qui gonfle la valeur de nos importations.

Mme Noreau note que ce sont quelques États qui accaparent le gros des livraisons québécoises: New York, où se retrouvent des usines de Bombardier et de NovaBus, le Texas, où sont présentes CAE et encore Bombardier, la Pennsylvanie, où Domtar et Cascades exploitent des usines, le Tennessee, grand centre de transformation d'Alcoa, bien présente chez nous, et le Vermont, où IMB exploite une usine en étroite relation avec sa filiale de Bromont.

«On estime généralement au Québec qu'entre 30% et 50% de l'ensemble du volume du commerce bilatéral est attribuable aux échanges entre les filiales appartenant à la même entreprise», poursuit l'économiste.

Au fil de la décennie, les pays émergents, à commencer par la Chine et le Mexique, ont ravi des parts de marché du Québec chez nos voisins. Cela s'est traduit par une diminution des ventes estimée à 25 milliards entre 2000 et 2008.

Sagement, le Québec a choisi de diversifier ses débouchés. «Toutefois, il ne peut négliger le fait que les États-Unis sont encore la plus grande et la plus diversifiée des économies de la planète et que les chaînes d'approvisionnement nord-américaines sont interreliées», note Mme Noreau.

Elle note aussi une nette dégradation du solde touristique: force du huard oblige, les Québécois se rendent de plus en plus chez l'Oncle Sam alors que ses citoyens magasinent sur l'internet des destinations meilleur marché.

Pourtant, le touriste américain doit être dorloté parce que c'est lui qui dépense le plus chez nous par nuitée, et de loin: 153$ en 2010 comparativement à 88$ en moyenne pour tous les autres touristes. Il faudra parvenir à l'attirer de nouveau avec une offre renouvelée, en élaboration. Le rayonnement de notre culture unique est sûrement une piste à développer.

Les investissements américains de même que leurs dépenses en immobilisations au Québec sont aussi en déclin depuis 2004, mais ils restent la plus forte présence de capitaux étrangers chez nous.

Pour en attirer d'autres, le rôle des six délégations et représentations devra être dynamisé en tenant compte de préoccupations communes comme l'approvisionnement en énergie et le respect de l'environnement.

Mme Noreau relève enfin les efforts déployés par les chambres de commerce et autres regroupements d'entreprises qui démarchent sur le marché américain. «Cette «conquête du sud» se fait en même temps que celle qui vise à gagner les marchés outre-mer (Europe et Asie notamment). L'objectif est de profiter des marchés en émergence tout en réduisant la dépendance face à un seul client comme les États-Unis», dit-elle.

Ces initiatives louables ne doivent pas éclipser le fait que notre voisin restera encore longtemps notre premier partenaire commercial.

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LE COMMERCE AVEC LES ÉTATS-UNIS

EXPORTATIONS millions /% du total / IMPORTATIONS millions /% du total / BALANCE

Canada 330 088 /73,7 /220 879/ 49,5/ 109 209

Québec 42 960/ 67,6/ 21 036/ 28,2/ 21 924

Ontario 142 433/ 78,5 /141 543 /55,5 /890

Alberta 80 646/ 86,2 /15 727 /64,2 /64 919

Colombie- Britannique 14 002/42,1/ 17 419/ 43,1 /-3417

Sources : Statistique Canada, Industrie Canada, Desjardins, Études économiques, La Presse Affaires