Certains jours, Claude Gagnon a l'impression d'être un maître d'hôtel. Un maître d'hôtel bien spécial: son établissement d'Hollywood accueille les Cameron, Spielberg, Nolan et autres réalisateurs en vue dans ses salles de montage.

Président de Technicolor Creative Services depuis 2006, Claude Gagnon voit une centaine de films hollywoodiens, dont plusieurs blockbusters comme The Dark Night Rises et The Hunger Games, passer dans ses salles de montage. «Comme un grand hôtel, nous nous assurons que les clients sont bien traités», dit ce Québécois de 53 ans.

Ce n'est toutefois pas pour les petites attentions de Claude Gagnon que les grands réalisateurs d'Hollywood retournent chez Technicolor. «Nous vendons du talent créatif, dit-il. Nous avons un coloriste qui a fait les films de James Cameron, un autre qui travaille avec Clint Eastwood depuis très longtemps. Les grands réalisateurs comme Spielberg, Cameron et Nolan sont très impliqués. C'est leur film après tout.»

Claude Gagnon n'a pas que son hôtel hollywoodien à gérer. Comme président de Technicolor Creative Services, il supervise 2200 employés dans 10 pays qui font le montage et la postproduction d'une centaine de films par année. Ses employés sont aussi sur plusieurs plateaux de tournage. «Hollywood, c'est une petite communauté, 300 personnes en distribution et 300 autres en postproduction, dit Claude Gagnon. Pour faire des affaires à Hollywood, il faut que tu t'entendes bien avec tout le monde et que tu aies le bon prix. Tu dois avoir l'efficacité organisationnelle d'une PME.»

Technicolor a deux avantages - tout comme son concurrent De Luxe, l'autre grande entreprise mondiale de montage et postproduction - sur les boîtes plus modestes quand vient le temps de monter un blockbuster: «nous pouvons mettre plus d'effectifs en fin de projet et nous sommes toujours à jour en matière de sécurité», dit Claude Gagnon. Au petit écran, l'équipe de Claude Gagnon travaille sur des séries comme Mad Men, Les Simpsons, The Big Bang Theory, The Good Wife et True Blood.

Installé depuis six ans dans les collines d'Hollywood, Claude Gagnon a toujours rêvé de faire carrière dans le septième art. Fils d'un employé en distribution de l'Office national du film, il a pratiqué plusieurs métiers, dont monteur à la télé et locateur d'équipement sur les plateaux de tournage. En 1986, alors âge de 26 ans, il fonde Covitec, une firme de postproduction de films, de séries télé et de publicités. L'entreprise montréalaise prospère, si bien qu'il vend à Technicolor en 2000. Deux ans plus tard, il va redresser le bureau de son nouvel employeur à New York, puis devient président de Technicolor au Canada, où l'entreprise française a 700 employés. Il fait le saut à Hollywood en 2006. «J'ai fait beaucoup de redressement d'entreprises et il y avait des problèmes d'intégration, dit-il. Dans de grandes organisations, il faut intégrer les équipes.»

Avec l'avènement du numérique, le montage d'un film s'est complexifié. «En photochimique (bobines de 35 mm), le processus de travail est relativement établi depuis 90 ans, dit Claude Gagnon. Avec le numérique, il y a plein de nouvelles caméras qui changent tout le temps de logiciel. Les réalisateurs tournent aussi beaucoup plus de séquences en numérique. Avant, on livrait une bobine 35 mm, un format DVD et un format pour la télé. Maintenant, il faut un format Netflix, du cinéma en 2D, du cinéma en 3D, du son 7.1, du son 5.1. Avec les sous-titres, il faut parfois faire 200 versions d'un même film.»