Le départ-surprise du président de Theratechnologies provoque un « nouveau risque d'affaires » pour l'entreprise, selon les analystes financiers. Mais bien malin qui pourra voir clair dans les raisons exactes de cette annonce.

L'entreprise phare de la biotechnologie québécoise a refusé d'accorder toute entrevue pour clarifier le départ abrupt de son président, John-Michel Huss, moins de deux ans après son arrivée. Theratechnologies a aussi annulé la téléconférence prévue hier matin pour discuter des résultats financiers du troisième trimestre, dévoilés jeudi après la fermeture des marchés.

« Le départ fait suite à une rencontre entre M. Huss et le conseil d'administration, et la décision a été prise d'un commun accord », s'est borné à dire un porte-parole.

Le chef des affaires financières, Luc Tangauy, assurera l'intérim jusqu'à ce qu'un nouveau président soit nommé.

Le marché n'a pas semblé ébranlé par le départ. Portée par l'annonce de résultats sans grandes surprises, mais néanmoins jugés positifs, l'action de Theratechnologies a gagné deux cents, hier, pour clôturer à 51 cents.

L'analyste financier Douglas Loe, de Byron Capital Markets, juge néanmoins que le départ du président créé « un nouveau risque d'affaires ». Dans une note aux investisseurs, il dit croire que les développements du côté européen pourraient être « au ralenti jusqu'à ce qu'une nouvelle direction soit en place ».

Un règne agité

D'origine française, M. Huss aura eu un règne particulièrement agité à la tête de Theratechnologies. Issu du monde des grandes sociétés pharmaceutiques, il a pris les rênes de la petite boîte alors qu'elle avait encore le coeur à la fête. L'équipe venait de faire approuver la commercialisation de son médicament aux États-Unis, un exploit que seule une poignée d'entreprises canadiennes peuvent se vanter d'avoir accompli. La mission du nouveau patron : transformer ce succès scientifique en succès commercial.

Les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. L'Egrifta, le médicament de Theratechnologies destiné aux patients atteints du VIH, s'attaque à la répartition anormale des graisses chez les patients. Commercialisé en sol américain par le partenaire de Theratechnologies, l'entreprise EMD Serono, l'Egrifta n'a cependant pas connu le départ espéré sur le marché. Lors de la dernière assemblée annuelle, M. Huss avait essuyé la colère d'actionnaires lui reprochant d'avoir encaissé des primes alors que leurs actions périclitaient en Bourse.

Mais la véritable tuile est tombée en juin dernier, quand les autorités européennes ont refusé de commercialiser l'Egrifta, disant craindre des risques cardiovasculaires pour les patients. Les Européens avaient pourtant les mêmes données scientifiques que les Américains, qui eux, avaient jugé le produit sécuritaire.

« Ça nous tombe comme un marteau sur la tête », avait alors dit M. Huss à La Presse Affaires.

Avis de non-conformité de Santé Canada, déficience technique sur un site de fabrication montréalais soulevé par les autorités brésiliennes, demande jugée incomplète par les autorités du Venezuela : les problèmes ont continué cet été.

Les résultats dévoilés jeudi font toutefois état d'une augmentation des ventes d'Egrifta aux États-Unis.

« La tendance est favorable, même si le niveau de prescriptions absolu demeure modeste à nos yeux », a résumé l'analyste Douglas Loe.

Pas assez, de toute évidence, pour convaincre le président de rester.