Il serait grand temps que les employés du secteur public aient des régimes de retraite compatibles avec la capacité de payer des contribuables, selon l'Institut Fraser.

Les engagements non capitalisés d'Ottawa et des provinces envers les retraités présents et futurs atteignent au moins 254 milliards de dollars sur papier, selon l'organisme de recherche en politiques publiques d'obédience libérale de Vancouver.

Il prône la transformation progressive des régimes à prestations déterminées (PD) en régimes à cotisations déterminées (CD). Ce faisant, le risque assorti à des déficits est transféré des épaules des contribuables à celles des participants, comme l'a fait le gouvernement néo-démocrate de la Saskatchewan dans les années 70.

Si 254 milliards paraît un bien gros chiffre, c'est pourtant un strict minium. Mark Milke et Gordon B. Lang, qui cosignent l'étude Canada's 254 Billion Iceberg: Public-sector Pension Liabilities (L'iceberg canadien de 254 milliards: les engagements des régimes de retraite du secteur public) ne sont pas parvenus à évaluer le fardeau que portent les Ontariens et les Britanno-Colombiens. Les états financiers de leur province manquant singulièrement de transparence.

Les chiffres d'Ottawa sont plus clairs: 155,4 milliards en date du 31 mars, soit 11 milliards de plus qu'un an plus tôt. En début d'année, une autre étude, produite par l'Institut C.D. Howe, concluait que ce chiffre sous-estimait l'ampleur du gouffre qu'il évaluait plutôt à quelque 227 milliards.

Les chiffres du Québec sont aussi clairs et... énormes: un passif non capitalisé de 75 milliards, aggravé avant tout par les taux d'intérêt obligataires historiquement faibles qui ont pour effet pervers de ballonner la valeur des engagements d'un régime PD. «Cela va entraver la capacité de la province de fournir des services, de construire des infrastructures ou d'alléger son lourd fardeau fiscal», écrivent les auteurs.

Ils mentionnent aussi que les actuaires ont fait preuve de trop d'optimisme lorsqu'ils ont conçu les régimes PD, il y a une cinquantaine d'années.

Les entreprises font aussi face au gonflement des passifs des régimes PD qu'elles parrainent. Voilà pourquoi elles sont de plus en plus nombreuses à les remplacer par des régimes CD.

En 1989, on comptait 2,4 millions d'employés du secteur privé participants à un régime PD. En 2010, ils n'étaient plus que 1,5 million. Ils étaient même 179 935 de moins qu'en 1973, rappellent les auteurs qui citent les données de Statistique Canada.

Dans le secteur public, ils étaient 1,5 million en 1973, mais près de 3 millions en 2010.

Le contraste entre travailleurs des secteurs public et privé est de plus en plus frappant. En 2010, 87,1% des employés de l'État participaient à un régime de retraite, dont 94% dans un régime PD. Dans le secteur privé, les proportions sont plutôt de 24,4% et 52,3%.

Les auteurs relèvent aussi que le financement de plusieurs régimes PD publics n'est pas partagé également entre promoteurs et participants. Ainsi, en raison d'une loi provinciale, les contribuables montréalais assument 70% des cotisations des régimes des fonctionnaires qui contribuent à hauteur de 30% seulement. Et ils doivent contribuer à renflouer les déficits accumulés.

En passant d'un régime PD à un CD, les fonctionnaires risquent-ils d'exiger de meilleurs salaires? Non, répondent les auteurs qui affirment qu'ils sont en général déjà mieux rémunérés que ceux du secteur privé.

MM. Milke et Lang formulent une douzaine de recommandations dans le but de rétablir un certain équilibre entre les avantages des participants d'un régime PD du secteur public et les contribuables qui doivent les financer.

La plus importante est de migrer vers des régimes CD de façon à alléger la valeur des engagements à long terme (contrairement à la fiscalité québécoise, il n'y a aucune rétroactivité possible en matière de régimes de retraite). Plus sera grand le poids des participants à un régime CD, moins lourd sera le poids des engagements non capitalisés puisque cette réalité n'existe pas dans un régime CD.

Ils insistent aussi sur une présentation plus transparente des gouvernements de la valeur de leurs engagements non capitalisés.

Pour les administrations qui opteront pour le maintien de régimes PD, ils suggèrent de calculer la rente sur la base du salaire-carrière, plutôt que du salaire final qui a pour effet de gonfler la valeur des engagements. Ils suggèrent aussi d'imposer un plafond de la couverture à, par exemple, 70% du salaire.

Ils remettent aussi en question l'indexation des prestations.

Ils suggèrent enfin une augmentation des cotisations de manière à mieux partager le risque.

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Caisses de retraite du secteur public

- Engagements totaux non capitalisés : au moins 254 milliards

- Engagements des caisses fédérales : 155,4 milliards

- Engagements des caisses québécoises : 75 milliards

Source: Institut Fraser