Après l'accueil favorable de la décision de la Cour constitutionnelle allemande d'avaliser le financement du Mécanisme européen de stabilité (MES), nombreux étaient encore hier les experts à parier désormais sur l'annonce de nouvelles mesures d'assouplissement par la Réserve fédérale américaine (Fed) cet après-midi.

Rien n'est moins sûr toutefois puisque la Fed s'abstient en général d'intervenir, directement ou non, dans une campagne présidentielle.

Dans la foulée du jugement unanime des huit juges allemands, les taux obligataires de l'Espagne se sont détendus tandis que ceux des pays refuges comme l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis ou le Canada ont légèrement augmenté.

Les places boursières ont peu réagi, le soulagement étant plus de mise que l'euphorie. Un jugement défavorable aurait cependant compromis les réformes européennes en cours, aggravé une crise déjà bien sévère et provoqué une panique financière.

Grâce au jugement, le MES, doté d'une puissance de feu de 500 milliards d'euros, pourra être mis en place sous peu. Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a déjà convoqué les ministres des Finances des 17 pays qui se partagent la monnaie unique, le 8 octobre.

La contribution de l'Allemagne au MES sera de 190 milliards, ce qui correspond à son poids économique dans la zone euro. Le tribunal allemand a statué qu'au-delà de cette somme, la décision reviendra aux élus qui devront légiférer. Le MES devra se financer sur les marchés et non auprès de la Banque centrale européenne (BCE), ce qui aurait été l'équivalent d'imprimer de l'argent et anticonstitutionnel en Allemagne.

La mise sur pied du MES est une mesure structurante dans la résolution à moyen terme de la crise de la dette souveraine qui a fait replonger la zone euro en récession. Un pays en difficulté pourra s'y financer directement, à condition de s'engager dans des mesures d'austérité dictées par la troïka formée de la BCE, de l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI).

Plusieurs observateurs s'attendent à ce que l'Espagne soit la première à frapper à sa porte.

Mais le royaume bourbon tergiverse. Il profite de la détente de ses coûts d'emprunt qu'a provoquée la récente décision de la BCE. La semaine dernière, son président, Mario Draghi, a annoncé que l'institution basée à Francfort allait, si elle le juge opportun, acheter sur le marché secondaire autant d'obligations que nécessaire pour s'assurer que tous les pays de la zone euro puissent profiter de sa politique monétaire historiquement très accommodante.

L'objectif visé par la BCE était de faire baisser les taux obligataires de l'Espagne et de l'Italie afin de leur faciliter l'accès aux marchés d'emprunts.

La veille de la décision de la BCE, le taux des obligations espagnoles venant à échéance dans 10 ans était de 6,41%. Hier, il était tombé à 5,6%. Au début d'août, il avait grimpé à 7,17%, un niveau qui avait amené bon nombre d'experts à prédire l'insolvabilité imminente de la quatrième économie de la zone.

Cette embellie permet à l'Espagne de gagner du temps, mais la situation pourrait vite se renverser, si elle ne va pas de l'avant avec des réformes convaincantes aux yeux de la troïka.

On s'attend en outre à ce que l'UE présente prochainement un cadre législatif qui donnera à la BCE le pouvoir d'encadrer seule l'ensemble des banques de la zone de manière à éviter que des pratiques non prudentielles ne les fragilisent.

Une troisième ronde d'assouplissement

Entre-temps, les yeux sont rivés sur les annonces que fera la Fed aujourd'hui.

Plusieurs experts et spéculateurs parient sur une troisième ronde d'assouplissement quantitatif (AQ3).

La première ronde, rappelons-le, s'est déroulée de novembre 2008 à mars 2009. Elle a consisté en l'achat d'obligations du Trésor et de titres des endosseurs hypothécaires, à hauteur de 1700 milliards. La deuxième, de 800 milliards, s'est déroulée de novembre 2010 à juin 2011 et a monétisé le déficit américain creusé durant ces six mois. Depuis septembre 2011, la Fed mène l'Opération Twist (OT), qui consiste à troquer des titres de courte échéance contre d'autres de plus longue échéance de manière à infléchir les taux d'intérêt obligataires à long terme.

Il serait étonnant que la Fed lance AQ3 alors que l'OT bat son plein.

En revanche, les 19 membres de son Comité de politique monétaire doivent aussi indiquer quand ils s'attendent à un premier relèvement du taux directeur, qui flotte dans une fourchette de 0% à 0,25% depuis décembre 2008. En juin, six avaient voté avant 2014, sept, durant 2014, et six, après 2014. Cela avait amené son président Ben S. Bernanke à indiquer que ce ne serait pas avant la fin de 2014.

Il suffirait qu'un ou deux membres déplacent leur prévision pour qu'une première hausse soit décalée en 2015.

C'est le scénario le plus probable.

En décembre, après l'élection présidentielle et l'expiration imminente de l'opération Twist, la Fed pourra utiliser de nouvelles munitions, sans en gaspiller l'efficacité.