Pour le quatrième mois d'affilée, le solde du commerce international de marchandises du Canada s'est détérioré en juillet au point d'atteindre un déficit record. Cela reflète à la fois la surévaluation du dollar canadien, les difficultés de l'industrie pétrolière dans l'ouest du pays et le ralentissement de la croissance mondiale, responsable aussi de la détérioration de la balance commerciale américaine.

Notre déficit s'est creusé à 2,3 milliards de dollars, a indiqué hier Statistique Canada, qui a en outre porté de 1,81 milliard à 1,93 milliard le solde négatif de juin. Le point abyssal précédent avait été atteint en septembre 2010.

Le mauvais résultat de juillet est le fruit d'un recul de 3,4% de la valeur des exportations et d'un repli de 2,2% des importations qui pourrait refléter un ralentissement de la demande intérieure.

La chute des exportations est essentiellement le fait de livraisons moindres vers les États-Unis. L'excédent avec notre principal partenaire commercial qui a absorbé 72% de nos expéditions internationales a fondu de 900 millions. À hauteur de 2,1 milliards, il s'agit du plus faible depuis octobre 2010.

Mince consolation, notre déficit avec le reste du monde a diminué d'un demi-milliard, mais atteint encore les 4,4 milliards.

L'énergie baisse

Les livraisons de produits énergétiques, essentiellement des hydrocarbures bruts ou transformés, ont reculé de 8,5%. Celles de produits de l'automobile ont fléchi de 5,3%. Les débouchés étrangers de ces deux segments sont les États-Unis.

«Depuis le début de l'année, les exportations d'énergie sont en chute de 30% environ», note Emanuella Enenajor, économiste à la Banque CIBC. Il y a là à la fois un effet de la baisse des prix payés aux producteurs de l'Ouest, de la fermeture de certaines raffineries pour des fins de maintenance et des ruptures de livraisons en raison d'incendies de forêt en Alberta.

Peut-être cette situation se sera-t-elle renversée en août, tout comme les livraisons d'automobiles, puisque les ventes des concessionnaires américains sont à la hausse.

Toutefois, la valeur des expéditions de machines et équipement, de produits forestiers et agricoles était aussi à la baisse en juillet. Seule la catégorie des biens industriels a augmenté ses livraisons par rapport à juin.

«L'aggravation rapide du déficit est un sévère rappel que notre monnaie est surévaluée et qu'elle représente un défi grandissant pour l'économie», fait observer Douglas Porter, économiste en chef désigné chez BMO Marchés des capitaux.

Le huard a continué quand même de s'apprécier hier face au billet vert qui a reculé face à la plupart des monnaies. Il s'approche dangereusement des 103 cents d'équivalence, dopé par les achats massifs d'obligations canadiennes des investisseurs étrangers.

Exportations

Du côté des exportations, la situation n'est guère plus reluisante. Certes, les achats de produits énergétiques ont reculé, mais le repli de 3,7% de l'important segment des machines et équipement (environ le quart de nos importations) semble indiquer que les entreprises canadiennes ralentissent leurs investissements. Ils ont pourtant été un élément qui a favorisé la croissance au deuxième trimestre, rappelle Krishen Rangasamy, économiste à la Banque Nationale. «Après la chute de juillet, les exportations réelles totales sont en recul de 6,4% par rapport à celles du deuxième trimestre, rappelle-t-il. À moins d'un puissant rebondissement d'ici la fin de la période, le commerce continuera sans doute de freiner la croissance d'ici à la fin de la période.»

Il reflète aussi la vitalité du secteur manufacturier, dont la moitié environ de la production est destinée outre frontières. On pourra constater vendredi l'affaiblissement des expéditions internationales sur leurs ventes.

Aux États-Unis aussi, on constate une détérioration du solde commercial, en raison de la faiblesse des exportations qui ont reculé de 1% alors que les importations se sont repliées de 0,8%. Pour la première fois en quatre mois, le déficit commercial était plus élevé que le précédent. En juillet, il a atteint 42 milliards US, soit une centaine de millions de plus qu'en juin.

Le déficit avec la Chine a atteint 29,4 milliards, un nouveau record. Celui avec l'Union européenne a bondi de 42%, à 12 milliards, soit le pire chiffre depuis octobre 2007.

Les livraisons de produits automobiles, de biens de consommation et de biens industriels ont surtout diminué.

Exprimé en volume, le déficit commercial s'est aggravé davantage, à cause d'une baisse de 2,2% des exportations. «Cela pourrait indiquer que le commerce extérieur a freiné la croissance américaine cet été alors qu'il l'avait nourrie durant les deux trimestres précédents», constate Dawn Desjardins, économiste en chef adjoint chez à la Banque Royale (RBC).

Cela est d'autant plus plausible que les cours du pétrole brut se sont raffermis en août.