Six ans après avoir été éjecté de l'entreprise dans laquelle il avait oeuvré pendant près de deux décennies, Patrice Théroux revient chez Alliance Films par la grande porte. Le Lavallois d'origine est l'un des patrons de la société torontoise qui acquiert le distributeur montréalais pour 225 millions$.

C'était un secret de polichinelle dans l'industrie depuis plusieurs mois: Entertainment One allait racheter Alliance, mise en vente en janvier par ses deux propriétaires, Investissement Québec (IQ) et Goldman Sachs Capital Partners. EO met sur la table 225 millions, dont 174 millions en argent (le reste est la valeur de la dette à assumer). Cette transaction offre à Investissement Québec une porte pour sortir du secteur du cinéma, qui ne lui a pas été très profitable. Elle permet aussi à EO de créer le plus important distributeur de films au Canada, avec plus de 20% des parts de marché, et le cinquième au Royaume-Uni.

Patrice Théroux est président de la division de distribution cinéma et télé d'EO, qui génère la majorité des revenus de l'entreprise. À la suite d'allégations voulant qu'il ait approché d'éventuels acheteurs, il avait été mis à la porte d'Alliance par le conseil d'administration en 2006, contre l'avis de son mentor et président du conseil, Victor Loewy.

M. Théroux s'est joint à EO avec pour mission de bâtir une division de distribution cinéma à ajouter aux activités de distribution DVD. En cinq ans, la société est entrée en Bourse, a multiplié les acquisitions, a doublé son chiffre d'affaires et se permet maintenant l'achat d'Alliance.

En entrevue à La Presse Affaires, Patrice Théroux assure qu'il renoue avec Alliance sans ressentiment, six ans après son tumultueux départ. «Il n'y pas de revanche, assure-t-il. La satisfaction vient plutôt de l'occasion d'affaires que nous avons d'acheter Alliance après seulement cinq ans.»

Avec Alliance, EO renforce sa place au Canada et au Royaume-Uni, en plus de mettre le pied en Espagne. Entertainment One (Twilight - Breaking Dawn) a généré des revenus de plus de 800 millions en 2011, contre 454 millions pour Alliance (The Hunger Games). Les deux sociétés disposeront d'une catalogue de plus de 35 000 titres de films ou d'émissions de télévision dans une dizaine de pays. EO compte environ 1100 employés dans le monde, et Alliance environ 290. Le titre d'Entertainment One (ETO), coté à la Bourse de Londres, a gagné 9,3% hier.

Sortie pour Investissement Québec

La Société générale de financement (aujourd'hui fusionnée à IQ), avait investi 115 millions dans Alliance en 2007 et 2008. Elle détenait 38,5% des actions et 51% des droits de vote de l'entreprise, mais elle souhaitait mettre un terme à l'aventure. «Depuis l'investissement en 2007, Alliance n'a pas été en mesure de répondre aux attentes des actionnaires, a expliqué la société d'État dans un communiqué. Ainsi, en 2011, la restructuration financière de l'entreprise aurait exigé des sommes additionnelles d'investissement de 100 M$ de la part de la SGF.»

IQ refuse de spécifier la valeur exacte des revenus de la vente qu'elle touchera. Mais sur la base des 174 millions offerts par EO, on peut estimer sa part du gâteau à environ 67 millions, loin des 115 millions investis. Cette part pourrait augmenter quelque peu en raison de montants supplémentaires prévus à l'entente, notamment une portion d'une enveloppe de 35 millions si les résultats des prochains films d'Alliance sont à la hauteur.

Incertitude pour les emplois montréalais

Au moment d'investir dans Alliance, la SGF avait exigé le déménagement du siège social d'Alliance de Toronto à Montréal. On ne sait trop ce qu'il en adviendra dans le futur. Entre 70 et 80 employés d'Alliance travaillent à Montréal, principalement dans les services de comptabilité et de ressources humaines. La porte-parole d'IQ, Chantal Corbeil, a indiqué que le contrat de vente prévoit le maintien de ces emplois à Montréal pour une période de 12 mois seulement.

Patrice Théroux indique que son entreprise «n'a pas pris de décision» sur le nombre d'emplois qui seront maintenus. La société compte déjà 110 employés à Montréal, notamment dans sa division Films Séville. «Le Québec est la plaque tournante de notre distribution nord-américaine, indique-t-il. On aura besoin de gens parce que notre quantité de films à sortir double.»