Concurrents en télécoms, partis politiques, associations de consommateurs - l'opposition à l'achat d'Astral par Bell est aussi vive que diversifiée. Mais Bell n'en démord pas : la transaction serait avantageuse tant pour les consommateurs que pour l'économie du Québec. Le débat - qui s'annonce houleux - aura lieu cette semaine à Montréal lors des audiences du CRTC, qui doit donner son aval à la transaction.

Déjà à couteaux tirés avec Bell, Cogeco n'ose pas s'imaginer comment il pourra négocier équitablement avec le géant Bell-Astral.

«On se fait déjà imposer des conditions déraisonnables. Il y a déjà abus. Tout addition à ce qu'ils ont déjà donnerait cours à un abus additionnel. Si Bell devient plus grand, les conditions vont être pires, et nos frais d'exploitation sont retrouvent toujours chez nos clients. C'est la règle des affaires. La question, c'est de savoir si on permet que nous nous retrouvons obligés de charger plus cher que Bell et que Bell peut ensuite nous prendre nos clients», dit Louis Audet, président et chef de la direction de Cogeco, qui s'est rendu en arbitrage devant CRTC pour s'entendre sur les redevances des chaînes de Bell (le CRTC a donné raison à Bell).

Au Québec, la transaction ne pose pas de problème en théorie puisque Bell aurait environ le même poids que Québecor au petit écran. La situation est tout autre au Canada, où Bell/Astral s'approcherait du seuil de 45% des parts de marché considéré dangereux par le CRTC. «Bell a déployé de grands efforts pour représenter cette transaction comme une transaction québécoise, dit Louis Audet. Bell dit vouloir faire contrepoids à Vidéotron, mais ne parle pas de ses nouvelles parts de marché au niveau national.»

Si le noeud du problème est au Canada anglais, l'opposition la plus vive, ironiquement, vient du Québec, où Cogeco et Québecor ont formé le consortium Dites non à Bell avec des distributeurs indépendants comme Eastlink pour faire échouer la transaction. Comme des partis politiques, le consortium Cogeco-Québecor et Bell ont passé le dernier mois à se renvoyer la balle. «Le processus réglementaire se faisait pendant l'été, une période où personne suit l'actualité, dit Louis Audet. En prime, il y avait une campagne électorale au Québec. Nous n'avons dit: ça n'a pas de bon sens que ça passe sous le radar parce que c'est l'été.»

D'autres prétendants pour Astral

Les opposants à la transaction Bell-Astral savent bien que le CRTC n'a pas empêché depuis deux ans les conglomérats de télécoms de grossir au petit écran (Shaw a acheté Global, Bell a suivi avec CTV). Le CRTC a préféré instaurer de nouvelles règles pour empêcher les abus. Cogeco a bon espoir que le CRTC interviendra cette fois-ci. «À un moment donné, il faut se poser la question: quand est-ce que trop devient trop, dit Louis Audet. Nous sommes devant un cas manifeste. Tout le monde voit que l'empereur est nu.»

D'autant plus qu'Astral ne manquerait pas de prétendants si la transaction avec Bell était annulée. En mars dernier, la direction d'Astral négociait avec deux autres groupes - Rogers et le tandem Cogeco-Corus, selon nos informations. «La question n'est pas de savoir si X,Y ou Z est intéressé, mais de savoir ce qui est dans l'intérêt public, dit Louis Audet, qui n'a jamais confirmé l'intérêt de son entreprise pour Astral. Il n'y a pas à s'inquiéter: si la transaction est refusée, il y aura d'autres acheteurs. L'audience du CRTC n'a pas à résoudre le problème de savoir comment le vendeur va se débrouiller. Ça m'apparaît clair qu'il y aura plus d'une entreprise intéressée.»