Les créanciers et les actionnaires de Yellow Média (T.YLO) ont approuvé jeudi un plan de restructuration du capital qui devrait permettre à l'éditeur des Pages Jaunes d'éviter la faillite et de poursuivre sa transition vers le numérique.

Les créanciers dissidents ne s'avouent toutefois pas vaincus et promettent de poursuivre leur contestation judiciaire.

Dans le cadre de deux assemblées distinctes tenues à Montréal en matinée, les créanciers ont entériné le plan dans une proportion de 70,85% alors que les actionnaires l'ont appuyé à hauteur de 77,44%. Le seuil requis était de 66,7% dans les deux cas.

Le président et chef de la direction de Yellow, Marc Tellier, a évidemment accueilli la nouvelle avec satisfaction. Il a cependant souligné que le plan doit recevoir la bénédiction de la Cour supérieure du Québec avant d'entrer en vigueur.

La restructuration doit permettre à Yellow Média de faire passer son endettement de 1,8 milliard à environ 850 millions et de réduire sa facture annuelle d'intérêts de 45 millions. Évidemment, les créanciers et les actionnaires perdront gros dans l'opération.

«Il ne faut pas se cacher que tout le monde aurait souhaité qu'on ne se rende pas à cette étape», a déclaré M. Tellier, en admettant que la situation était particulièrement difficile pour les petits investisseurs. De nombreux retraités avaient acheté des actions de Yellow au cours de la dernière décennie en raison du généreux dividende que versait l'entreprise.

En vertu du plan, les détenteurs de 1,8 milliard d'obligations de Yellow recevront de nouveaux titres de dette, de nouvelles actions ordinaires de l'entreprise et 250 millions en argent. Pour ce qui est des porteurs de débentures convertibles, d'actions privilégiées et d'actions ordinaires, ils obtiendront 17,5% des nouvelles actions et des bons de souscription représentant 10% des nouvelles actions.

En réponse à l'opposition des créanciers réfractaires, Yellow avait annoncé mardi une bonification du plan de recapitalisation. Ces modifications ont vraisemblablement convaincu certains investisseurs de se ranger derrière l'entreprise, mais pas tous.

Au cours d'un entretien téléphonique, l'avocat Mark Meland, qui représente des créanciers détenant pour environ 200 millions de débentures, a indiqué que le tribunal allait établir vendredi un calendrier pour l'audition de la contestation du plan déposée au nom de ses clients.

Yellow menace de se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers si son plan de recapitalisation n'est pas accepté. Cette avenue serait encore moins avantageuse pour les créanciers et les actionnaires de l'entreprise.

Marc Tellier a tenu à préciser jeudi que la plupart des autres éditeurs d'annuaires téléphoniques cotés en Bourse dans le monde ont dû se soumettre à une recapitalisation au cours des dernières années. Il a soutenu que l'opération proposée par Yellow était moins néfaste pour les actionnaires que celles mises en place par des entreprises comparables d'autres pays.

«Tout le monde savait qu'il était pour y avoir un revirement numérique, mais je pense que personne de notre industrie dans le monde n'avait anticipé la rapidité de ce revirement-là, a-t-il affirmé. Et le résultat pour les actionnaires, aujourd'hui, est très difficile.»

S'il reçoit le feu vert du tribunal, le plan donnera un nouveau souffle à Yellow Média, mais l'entreprise ne sera pas au bout de ses peines. La croissance des ventes numériques (pour les sites PagesJaunes.ca et les applications mobiles notamment) n'arrive toujours pas à compenser complètement la chute des revenus provenant des annuaires imprimés.

«La transformation (numérique) ne se fera pas du jour au lendemain, a convenu M. Tellier. C'est sûr qu'il y a encore beaucoup de pain sur la planche.»

À l'heure actuelle, quelque 260 000 des 325 000 clients de Yellow Média achètent des «produits numériques» de l'entreprise. Ces produits génèrent environ 30% des revenus totaux de la compagnie. Or, les ventes numériques sont beaucoup moins rentables, du moins pour l'instant, que celles réalisées dans les annuaires imprimés.

«Il n'y a pas de garanties pour l'avenir, a noté Marc Tellier. Ce qui est important pour nous, c'est d'avoir un plan de recapitalisation qui nous donne le temps de réaliser notre transformation.»

Le pdg n'a pas voulu prédire pendant combien d'années encore le bottin téléphonique traditionnel pourra survivre.

«L'annuaire papier, c'est sûr que ce n'est pas l'avenir comme tel, a-t-il reconnu. L'avenir, on s'entend tous que c'est le numérique.»

M. Tellier a toutefois pris le soin d'ajouter qu'à ses yeux, «on a souvent tendance à exagérer ce qui va arriver aux médias traditionnels».

L'action de Yellow a bondi après l'annonce des résultats des votes. Le titre a gagné 21,4% pour clôturer à 8,5 cents, à la Bourse de Toronto. Pas moins de 12,9 millions d'actions ont changé de mains pendant la journée.