Les fournisseurs de téléphonie mobile tiennent encore leurs clients en laisse, même s'ils n'ont plus le droit de les menotter avec des frais de rupture de contrat abusifs. Désormais, ils imposent des «frais de déverrouillage» aux consommateurs qui veulent changer de fournisseur.

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Au Canada, la majorité des fournisseurs verrouillent les téléphones mobiles de leurs clients qui ne peuvent pas les utiliser sur le réseau d'un concurrent. Depuis quelques années, les fournisseurs acceptent de débloquer les téléphones... mais ce n'est pas gratuit.

Bell, qui permet le déverrouillage depuis 2009, réclame des frais de 75$. Rogers et Fido demandent 50$, tout comme Telus qui exige 50$ depuis février 2011. De son côté, Videotron n'offre pas du tout la possibilité de déverrouiller les téléphones.

Pourquoi verrouiller les appareils? «Cette procédure garantit aux clients une fiabilité, une expérience sans faille. Les clients sont assurés d'avoir accès à toutes les mises à jour et de profiter de toutes les fonctionnalités offertes par notre réseau», répond Luiza Staniec, porte-parole de Rogers Communications (Fido).

Pourquoi exiger des frais? «Comme tous les autres services, le déverrouillage comporte des coûts», ajoute Amélie Cliche, porte-parole de Telus.

Barrière à la concurrence

Or, certains consommateurs trouvent que ces frais constituent une barrière à la concurrence. Ils jugent qu'ils ne devraient pas avoir à payer des frais additionnels pour pouvoir utiliser leur appareil chez un autre fournisseur.

C'est le cas de Denis Huot, un ancien client de Fido. Il a acheté un téléphone Nokia 6300, dans le cadre d'un abonnement de 36 mois. Il a décidé de changer de fournisseur à l'issue du contrat. Mais Fido a exigé des frais de déverrouillage de 50$ pour lui permettre d'utiliser son téléphone sur un autre réseau.

«Comment peuvent-ils garder le contrôle sur un appareil qui m'appartient? Je trouve ça aberrant!», s'exclame-t-il.

D'autres consommateurs dont l'abonnement est toujours en vigueur, souhaitent déverrouiller leur téléphone mobile pour pouvoir l'utiliser à l'étranger avec un autre fournisseur. En voyage, «vous n'avez qu'à acheter une carte SIM d'un fournisseur local à votre arrivée, la glisser dans votre téléphone déverrouillé, et vous disposerez d'un téléphone local pour les appels et les données, ce qui évite de payer des frais d'itinérance prohibitifs», explique Future Shop qui vend des téléphones déverrouillés.

Autrement, plusieurs petites entreprises offrent le déverrouillage des appareils sur l'internet, parfois pour moins que 10$. Mais les fournisseurs de télécom préviennent leurs clients: la garantie ne sera plus applicable si le téléphone a été déverrouillé par un tiers.

Est-il légal d'imposer des frais de déverrouillage? «C'est une très bonne question», répond Anthony Hémond, avocat au cabinet Allali Brault.

«Normalement, lorsque vous achetez un bien, vous devez en avoir la pleine possession et le plein usage, en vertu du Code civil, dit-il. Mais si le téléphone est verrouillé et que vous ne pouvez pas l'utiliser sur un autre réseau, c'est une limite au droit de propriété.»

Loi sur la protection du consommateur

Toutefois, les frais de déverrouillage ne contreviennent pas à la Loi sur la protection du consommateur (LPC).

Depuis la réforme de la LPC, les fournisseurs de télécommunications n'ont plus le droit de menotter les clients en leur imposant des pénalités abusives lorsqu'ils veulent changer de fournisseur. Désormais, les indemnités de résiliation sont sévèrement encadrées par la LPC.

Or, les frais de déverrouillage ne sont pas assimilables à une indemnité de résiliation, indique le porte-parole de l'Office de la protection du consommateur, Jean Jacques Préaux. Il s'agit simplement d'une somme exigée par le commerçant en contrepartie du service de déverrouillage, à la suite de la résiliation du contrat, selon l'OPC.

De son côté, le Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications (CPRST) dont le rôle est de résoudre les litiges entre les consommateurs et les fournisseurs de télécom, n'a pas le mandat d'intervenir dans le cas des frais de déverrouillage qui font partie de la politique des fournisseurs de télécoms.

«Nous ne sommes pas en mesure d'émettre de recommandation ou de décision qui demande ou oblige (les fournisseurs) à changer leurs pratiques générales ou leurs politiques», a indiqué Philippe Mercorio, porte-parole du CPRST.

Par contre, «une plainte de cette nature pourrait être potentiellement examinée en vertu de la Loi sur la concurrence», a dit le porte-parole du Bureau de la concurrence, Bryan Parker. Le Bureau qui est tenu de garder toutes ses enquêtes confidentielles, n'a pas voulu confirmer s'il avait déjà reçu des plaintes à propos des frais de déverrouillage.

[Société : Frais de déverrouillage]

Bell : 75$

Rogers : 50$

Fido : 50$

Telus : 50$

Vidéotron n'offre pas le service