Bell n'a pas agi assez rapidement pour contrer le piratage de sa télé satellite au début des années 2000, a tranché la Cour supérieure.

Résultat: Bell doit indemniser son concurrent Québecor, qui a perdu des abonnés potentiels parce que le signal télé de Bell pouvait être piraté trop facilement.

Mais pour l'instant, la victoire de Québecor est davantage morale que pécuniaire. Québecor, qui demandait 304 millions de dollars en dommages, a obtenu 601 000$.

Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Québecor, s'est «réjoui» de la décision de la Cour supérieure rendue lundi.

«Nous constatons encore une fois que, pour Bell, tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins et s'enrichir», a-t-il indiqué par voie de communiqué. M. Péladeau souhaite que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) se penche sur la question de la lutte au piratage chez Bell.

À la lumière de la décision de la Cour supérieure, Québecor demande au CRTC de faire échouer la vente d'Astral à Bell.

Selon Pierre Karl Péladeau, «les pratiques d'affaires de Bell ne respectent pas l'éthique requise d'une entreprise» du secteur de la radiodiffusion et des télécoms. «C'est [...] en dénonçant par tous les moyens les pratiques inacceptables de Bell que nous arriverons à y mettre fin et à éviter que l'entreprise puisse reproduire le modèle monopolistique qui a longtemps été le sien», dit M. Péladeau.

Bell ne voit pas le rapport entre son litige avec Québecor sur la lutte contre le piratage, un enjeu vieux d'une décennie, et son entente de principe de 3,38 milliards pour acheter Astral conclue en mars dernier.

«Il n'y a aucun lien entre le jugement de la Cour et la transaction avec Astral, dit Mirko Bibic, chef des affaires juridiques et réglementaires de Bell. Québecor essaie de semer la confusion pour éviter de perdre sa position dominatrice dans le marché au Québec.»

Sur le litige lié au piratage, Bell prend note des reproches du juge, mais estime avoir gagné sa cause en pratique sur la question des dommages.

«L'interprétation du jugement par Québecor est absurde, dit Mirko Bibic, chef des affaires juridiques et réglementaires de Bell. Le problème du piratage nous affectait aussi. Québecor demandait 300 millions et a obtenu 600 000$: 99% de la requête de Québecor a été rejetée.

Le juge a dit qu'on a pris tous les moyens à notre disposition pour lutter contre le piratage, mais qu'on aurait pu agir plus rapidement dans un cas précis.» Bell n'a pas indiqué si elle comptait porter en appel la décision de la Cour supérieure.

Sur la question des dommages, Québecor évalue la possibilité de porter en appel la décision du juge Joel Silcoff, qui a attribué des dommages de 262 000$ à TVA et 339 000$ à Vidéotron. Bell devra aussi rembourser des frais d'expert de 386 000$ à Vidéotron, ce qui porte la note à 987 000$.

Ce montant sera ajusté à la hausse pour tenir compte des intérêts. Québecor veut notamment se faire indemniser pour les clients perdus même après que Bell ait apporté les correctifs appropriés pour lutter contre le piratage de sa télé satellite.

«Nous sommes d'avis que nous avons fait une preuve de dommages solide et nous regardons la possibilité d'appeler de cette partie de la décision», dit Serge Sasseville, vice-président des affaires corporatives et institutionnelles de Québecor.

Le litige pourrait ainsi se poursuivre, au grand dam de Bell. «C'est une grosse perte de temps car la question en litige [la lutte du piratage] a été réglée depuis longtemps», dit Mirko Bibic, chef des affaires juridiques et réglementaires de Bell.