La facture du câble à la télé diminuera au cours des deux prochaines années. Dans une décision partagée à six commissaires contre trois, le CRTC abolira en 2014 le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, un fonds de 106 millions de dollars par année qui bénéficiait à Radio-Canada et aux autres télés généralistes.

Introduit en 2009 au plus fort de la crise de la télé généraliste pour soutenir leurs émissions locales, le Fonds coûtait 1,5% de leur facture aux abonnés du câble. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) forçait techniquement les télédistributeurs à contribuer au Fonds à hauteur de 1,5% de leurs revenus, mais ceux-ci ont toujours refilé la facture du Fonds à leurs abonnés (par exemple, 92 cents sur leur facture mensuelle moyenne de 61$).

Jugeant que la situation financière des télés généralistes s'est améliorée depuis 2009, le CRTC a choisi hier d'éliminer progressivement le Fonds d'ici 2014. «Nous sommes satisfaits du soutien qu'il a apporté au cours d'une période économique difficile», a indiqué Leonard Katz, vice-président des télécommunications du CRTC, qui a notamment justifié sa décision par «la remontée générale des ventes de publicité» chez les télés généralistes.

Après des pertes de 117 millions en 2009, les télés généralistes du pays ont généré des profits de 11 millions en 2010 et de 161 millions en 2011. Depuis la création du Fonds, Bell a acheté CTV et Shaw a fait de même avec Global. Parmi les cinq grandes chaînes généralistes privées au pays, seule la chaîne V, détenue par la famille Rémillard, n'est pas la propriété d'un distributeur. Bell serait toutefois intéressé à acheter V.

Radio-Canada «stupéfaite»

Plus important bénéficiaire du Fonds (40,7 des 106 millions l'an dernier), Radio-Canada est «stupéfaite» par son abolition, «une très mauvaise nouvelle pour les consommateurs». «Cette décision suggère que la télévision locale n'est pas importante pour le CRTC, a indiqué Hubert Lacroix, PDG de Radio-Canada, par voie de communiqué. Le Fonds était une grande réussite [et...] réalisait l'objectif qu'il s'était donné de renforcer les stations de télévision locale. [...] Les raisons qui ont justifié la création du Fonds sont toujours valables aujourd'hui.»

Bell, qui a payé l'an denier 25,1 millions comme distributeur mais reçu 23,6 millions comme propriétaire de CTV, trouve la situation de la télé généraliste «préoccupante». Radio-Canada et Bell étaient les deux seules entreprises de télécoms qui voulaient le maintien du Fonds. Rogers (qui a payé 24 millions et reçu 1 million pour CityTV), Shaw (qui a payé 32 millions et reçu 8 millions), Québecor Média (qui a payé 14 millions et reçu 6 millions) et Cogeco (qui a payé 7 millions) voulaient tous l'abolir.

Les conseillers du CRTC étaient eux-mêmes divisés sur l'avenir du Fonds. Trois des neuf conseillers du CRTC ayant examiné la question ont exprimé leur dissidence. Les conseillères Elizabeth Duncan et Louise Poirier auraient réduit le taux de cotisation du Fonds à 1%, mais sans l'abolir. La conseillère Suzanne Lamarre, ancienne gestionnaire de Radio-Canada, s'est aussi opposée à l'abolition du Fonds. Selon elle, la décision du CRTC «n'a pas tenu compte de la preuve présentée» et ne respecte pas les objectifs de la Loi sur les langues officielles et de la politique canadienne de radiodiffusion.

Les six conseillers du CRTC formant la majorité ont décidé d'éliminer progressivement le Fonds, dont le taux de cotisation des distributeurs passera de 1,5% à 1% de leurs revenus télé en 2012-2013, puis à 0,5% de leurs revenus télé en 2013-2014 avant d'être aboli le 1er septembre 2014.

À Ottawa, le NPD a déploré la décision du CRTC, qui aura «un impact important sur les communautés de nombreuses régions, notamment pour les francophones hors Québec», selon Pierre Nantel, porte-parole de l'opposition officielle en matière de patrimoine. Le gouvernement Harper n'a pas commenté le dossier hier.