Devant la multiplication d'indicateurs qui témoignent d'un ralentissement de l'expansion, la Banque du Canada estime désormais que l'économie ne fonctionnera à plein rendement qu'au second semestre de l'an prochain.

Cela reporte de quelques mois une hausse de son taux directeur. En avril, elle croyait que les capacités excédentaires auraient été comblées au printemps prochain et commençait à prévenir les marchés qu'une hausse du loyer de l'argent était à l'horizon.

En fixant pour la 15e fois d'affilée hier son taux directeur à 1%, les autorités monétaires ont conséquemment réduit leurs prévisions de croissance pour l'année en cours et 2013. Cette année, l'expansion devrait être contenue à 2,1% pour s'accélérer quelque peu en 2013 à 2,3%, à la faveur d'un raffermissement de la croissance au second semestre.

En avril, les autorités monétaires tablaient sur une expansion de 2,4% pour 2012 et 2013 et de 2,2% en 2014. Cette fois-ci, elles pensent que l'accélération de la croissance va se poursuivre pour atteindre un rythme annuel de 2,5% en 2015.

«En réitérant son désir de serrer la vis, la Banque signale qu'elle n'a aucunement l'intention de suivre le courant d'assouplissement de plusieurs autres banques centrales, précise Douglas Porter, économiste en chef désigné chez BMO Marchés des capitaux. Cela, dit-il, est fort peu probable qu'elle passe de la parole aux actes.»

Le mois dernier, la Banque centrale européenne, la Banque d'Angleterre, la Banque populaire de Chine et la Réserve fédérale américaine ont toutes annoncé des mesures d'assouplissement.

Hier encore, le président de la Fed, Ben S. Bernanke, a réitéré qu'il pourrait encore assouplir sa politique si la conjoncture le justifie, sans fournir toutefois le moindre indice du type de mesure envisagée.

«La consommation et les investissements des entreprises devraient être les principaux moteurs de la croissance à la faveur de conditions financières très expansionnistes au Canada», lit-on dans le communiqué faisant part de la décision de la Banque.

Voilà pourquoi elle réitère qu'«il se peut qu'une réduction modeste de la détente monétaire considérable actuellement en place au Canada devienne appropriée» à condition que l'expansion se poursuive et que l'offre excédentaire se résorbe.

Elle voit souffler des vents adverses sur l'économie canadienne. Il y a le ralentissement plus prononcé que prévu de la croissance dans les économies émergentes, l'expansion plus faible de l'économie américaine de même que la crise européenne.

Tout cela a pour effet de diminuer les prix des biens de base que le Canada exporte, si bien que l'effet de richesse associé à des prix forts va s'évanouir. La Banque s'attend aussi à un attiédissement de l'activité dans le secteur de l'habitation.

En outre, l'affaiblissement de l'économie mondiale entrave les exportations qui vont se maintenir «en deçà du sommet atteint avant la récession jusqu'au début de 2014».

Déjà, la balance commerciale s'est détériorée en avril et mai tandis que les ventes des manufacturiers ont reculé en mai pour la quatrième fois en cinq mois, selon les données de Statistique Canada. L'agence fédérale précise en outre que la valeur des nouvelles commandes est restée stable tandis que celle des stocks a atteint le plus haut niveau depuis janvier 2009, alors que la récession faisait rage.

Tout cela aura pour effet de diminuer les pressions inflationnistes. L'indice des prix à la consommation, qui a progressé de 1,2% en mai, devrait rester «sensiblement en deçà de la cible de 2% dans l'année à venir» tandis que l'indice de référence, qui exclut huit composantes très volatiles tels l'essence, les fruits et les légumes, devrait osciller aux environs de 2%.

«L'inflation est très inférieure à la cible de la Banque, le gouvernement fédéral a resserré récemment les règles hypothécaires et l'écart de production se maintiendra jusqu'au deuxième trimestre de 2013: il n'y a donc clairement aucune urgence pour un resserrement de la politique monétaire au canada», jugent Stéfane Marion et Krishen Rangasamy, économistes à la Banque Nationale.

Ce matin, la Banque publiera son Rapport sur la politique monétaire dans lequel on trouvera tous les détails de la mise à jour de son scénario économique qui justifie le maintien de son taux directeur à 1% pendant encore plusieurs mois.