D'immenses mélangeurs neufs de 1 million de dollars qui tournoient en l'air. Des pilules de Centrum qui s'entassent dans des bouteilles à un rythme hypnotisant. Des machines qui compressent de la poudre mauve pour en faire des Advil pour enfants qui partiront aux quatre coins du monde.

Pfizer vient d'investir 31,7 millions de dollars pour doubler la capacité de son usine de fabrication de médicaments de Montréal. Et les dirigeants et politiciens ont exhibé hier les joujoux technologiques achetés grâce à ces investissements pour passer un message: malgré les fermetures et licenciements qui ont déferlé récemment, l'industrie des sciences de la vie n'est pas morte au Québec.

«La compétition est féroce et il a été difficile d'attirer le niveau d'investissement nécessaire pour faire ce que nous voulions faire avec cette usine, a admis John Helou, président de Pfizer Canada. Mais deux choses ont fait la différence: une main-d'oeuvre qualifiée et motivée, et des politiques gouvernementales qui encouragent l'innovation et les investissements.»

Québec, qui a mis 2,67 millions dans le projet par l'entremise d'Investissement Québec, a aussi voulu passer le message qu'il continue de croire au secteur des sciences de la vie.

«Par cette initiative, notre gouvernement démontre sa volonté de maintenir l'industrie biopharmaceutique comme l'un des secteurs stratégiques pour le Québec», a dit Jean-Marc Fournier, ministre de la Justice et député de Saint-Laurent, arrondissement où est située l'usine de Pfizer.

La nouvelle a été jugée «réconfortante» par Michelle Savoie, directrice générale de Montréal Invivo, la grappe des sciences de la vie de la métropole.

«Ce qu'on voit aujourd'hui est une marque de confiance envers la province qui arrive à point nommé», a-t-elle dit.

Sans promettre de création d'emplois, Pfizer a affirmé que les investissements viendront consolider les 800 postes actuels.

Curieusement, alors même que les nouveaux équipements étaient en train d'être installés, Pfizer a procédé à une quarantaine de licenciements à son usine de Montréal. Contradiction?

«Dans le cours normal de ses activités, la division mondiale de l'approvisionnement de Pfizer évalue continuellement les capacités et l'efficacité de notre réseau de fabrication. Au terme d'une analyse approfondie, la structure organisationnelle de l'usine a été modifiée, de sorte qu'environ 40 postes ont été éliminés», a répondu Annie Sébastien, vice-présidente à l'exploitation et directrice de l'usine de Pfizer à Montréal.

Mme Sébastien a expliqué que les nouveaux investissements aideront l'usine de Montréal à rafler des mandats de fabrication auprès du siège social de Pfizer, situé au New Jersey. Il est «probable» que des embauches finissent par découler de l'augmentation de la capacité de production. L'usine pourra maintenant fabriquer jusqu'à 4,4 milliards de comprimés par année, assez pour remplir sept piscines olympiques.

Production par rapport à recherche

Ironiquement, alors que les centres de recherche ferment les uns après les autres dans la métropole, c'est une usine manufacturière qui attire les investissements. Et loin de fabriquer des médicaments ultraspécialisés, l'usine de Pfizer de Montréal manufacture des produits de consommation courante comme l'Advil, le Centrum ou des sirops comme le Dimetapp et le Robitussin.

On pourrait croire que ce genre de production est facile à délocaliser dans les pays à bas coûts, mais l'usine de Montréal résiste grâce à une expertise bien particulière: la flexibilité. L'usine, acquise par Pfizer lors de l'acquisition de Wyeth, en 2009, se spécialise dans les petits et moyens lots et peut modifier sa production très rapidement pour répondre à la demande.

«Notre marque de commerce, ici, c'est qu'on peut se virer de bord très rapidement», résume Annie Sébastien, directrice de l'usine.

Les produits fabriqués à Saint-Laurent sont exportés dans 90 pays.