L'ex-PDG de France Telecom, Didier Lombard, répond mercredi au juge responsable de l'enquête sur les suicides de salariés, qui pourrait le mettre en examen pour harcèlement moral, tout comme le groupe, convoqué vendredi.

Didier Lombard, arrivé à la tête du groupe en 2005, avait dû quitter la direction opérationnelle de l'opérateur en mars 2010, fragilisé par la vague d'une trentaine de suicides de salariés entre janvier 2008 et fin 2009.

Un rapport de l'Inspection du travail mettant en cause la politique de gestion du personnel et une plainte de la fédération Sud-PTT fin 2009 avaient conduit à l'ouverture d'une information judiciaire pour harcèlement moral en avril 2010.

Début avril, dans le cadre de cette enquête, des perquisitions ont été menées au siège parisien de France Télécom-Orange, suivies par des convocations d'anciens dirigeants à compter de ce mercredi.

L'ancien PDG est le premier à devoir être entendu mercredi par le juge Pascal Gand.

Olivier Barberot, ancien directeur des ressources humaines du groupe, et Louis-Pierre Wenès, ancien numéro deux, sont également convoqués d'ici jeudi tandis que l'entreprise, en tant que personne morale, sera entendue vendredi, tous étant susceptibles d'être mis en examen, a-t-on indiqué de sources proches du dossier.

«Il n'y a aucune accélération de la procédure. Nous sommes dans une procédure normale, tout semble être conforme», a indiqué la direction de l'opérateur à l'AFP.

Direction «alertée»

En 2008 et 2009, le nombre de suicides de salariés de France Télécom s'est établi à 35, selon direction et syndicats. Engagée dans des restructurations, l'entreprise avait notamment supprimé 22 000 postes entre 2006 et 2008 et procédé à 10 000 changements de métier durant cette même période.

«On souhaite qu'une mise en examen soit prononcée et qu'on puisse enfin aller vers un procès non pas contre X, mais avec des gens identifiés qui doivent répondre de leurs actes dans la période 2006 à 2008-2009 où il y a eu ces plans de suppressions d'emploi et cette crise des suicides à France Télécom», a déclaré à l'AFP Patrick Ackermann (SUD).

«On se félicite que la procédure avance. C'est important pour l'ensemble du personnel et des familles», a déclaré à l'AFP Sébastien Crozier (CFE-CGC).

Pour Me Frédéric Benoist, avocat de la CFE-CGC, il est cependant indispensable que l'enquête soit élargie aux faits de «mise en danger de la vie d'autrui».

«Il y a eu une volonté délibérée de compression d'effectifs sans prendre en compte les risques psychosociaux. Le plan Next de la direction avait été accéléré alors que remontaient des alertes sur la santé des salariés», a-t-il dit à l'AFP.

Le rapport de l'inspection du travail de 2010 pointait en particulier le harcèlement managérial dont étaient victimes en particulier les fonctionnaires, mis sur la touche, incités à changer de métier ou à quitter l'entreprise.

Le groupe a «mis en oeuvre des méthodes de gestion du personnel qui ont eu pour effet de fragiliser psychologiquement les salariés et de porter atteinte à leur santé physique et mentale», écrivait l'inspection.

Dans une lettre à Sud-PTT, l'inspectrice du travail Sylvie Cattala avait rapporté que la direction de France Télécom avait été «alertée à de nombreuses reprises» entre 2005 et 2009 sur l'existence de «risques psychosociaux pouvant être graves» au sein de l'entreprise.