L'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta le font. Des pays comme la France, l'Angleterre et la Suède aussi. Et tout indique que le Québec s'apprête maintenant à sauter dans le bateau.

L'idée de signer des «ententes de partage de risques», de nouveaux types de contrats qu'établissent les gouvernements avec les sociétés pharmaceutiques, fait son chemin dans la province. Aussi complexes que controversées, ces ententes peuvent prendre plusieurs formes. En général, elles stipulent qu'un gouvernement accepte de rembourser de nouveaux médicaments aux assurés du régime public, mais en échange d'engagements de la part des sociétés qui les fabriquent.

«Des ententes de ce type, en fin de compte, on va être obligés d'en faire. C'est devenu une réalité incontournable. Alors il faut commencer à réfléchir à la façon de les encadrer, sinon on va se retrouver sans barème», dit Mélanie Bourassa Forcier, professeure de droit pharmaceutique à l'Université de Sherbrooke.

Politique d'utilisation

Avec son collègue François Noël, Mme Bourassa Forcier vient de publier un rapport en collaboration avec le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) sur ces fameuses ententes. Le document conclut que les ententes de partage de risques devraient être utilisées «avec parcimonie» dans certains cas particuliers. Les auteurs recommandent au gouvernement du Québec d'établir une politique pour encadrer leur utilisation.

Les ententes de partage de risques viennent modifier le processus qui entoure la décision de rembourser ou non un médicament aux assurés du régime public. Actuellement, Québec décide d'inscrire un médicament sur sa liste de produits remboursés si les bénéfices pour les patients en justifient les coûts pour les contribuables.

Avec les ententes, le processus devient plus complexe. Un gouvernement pourra par exemple décider de rembourser dès aujourd'hui un médicament dont il n'est pas complètement certain de l'efficacité, mais à condition que la société pharmaceutique qui le commercialise fasse un suivi auprès des patients.

L'avantage est que si tout est fait comme il faut, les malades peuvent bénéficier du traitement sans attendre toutes les preuves. Et si l'efficacité n'est finalement pas démontrée, le gouvernement peut stopper les traitements, et s'assurer de ne pas payer la note pour rien.

Ristourne financière

Dans certains autres cas, une société pharmaceutique pourrait consentir une ristourne financière au gouvernement qui inscrit un produit sur sa liste, ce qui peut contribuer à diminuer les coûts du système de santé.

Création de fonds servant à financer l'innovation, attribution de rabais-volume au gouvernement, promesse d'étudier la meilleure façon d'utiliser les médicaments sur les patients: les engagements exigés de la société pharmaceutique dans ce type de contrat peuvent prendre plusieurs formes. Dans leur rapport, les auteurs dénombrent pas moins d'une quinzaine de types d'ententes différentes qui ont été signées un peu partout dans le monde.

Les sociétés pharmaceutiques, en tout cas, sont prêtes à négocier de tels contrats avec Québec.

«De notre côté, dans la mesure où on respecte certaines conditions, oui, on est en faveur de ce type de modèle», dit Frédéric Alberro, président pour le Québec de Rx&D, l'association qui regroupe les sociétés pharmaceutiques de médicaments innovateurs (par opposition aux fabricants de génériques).

Québec a aussi envoyé plusieurs signaux qui démontrent une ouverture. Le 18 novembre 2011, l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS), agence chargée d'évaluer les nouveaux médicaments, a proposé un projet-pilote destiné à inscrire trois produits anticancéreux à la liste des médicaments remboursés selon des ententes de partage de risques.

L'INESSS a aussi récemment suggéré au Ministère de ne pas inscrire certains nouveaux médicaments si de telles ententes ne sont pas signées. À la demande du ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, l'INESSS prépare d'ailleurs un rapport complet sur le sujet, qui devrait être terminé cet été.

«Le ministre s'est déjà exprimé en Chambre en faveur [de ces ententes], mais on attend la conclusion des travaux de l'INESSS», dit Natacha Joncas-Boudreault, attachée de presse du ministre Bolduc.