Tandis que les marchés européens savouraient encore l'accord politique intervenu dans la nuit de jeudi à vendredi, les investisseurs et spéculateurs américains avaient des nouvelles plutôt amères à digérer.

Pour la première fois en près de trois ans, la production manufacturière s'est contractée le mois dernier. L'indice des décideurs d'achat (ISM manufacturier) est passé de 53,5 en mai à 49,7 en juin. (Un chiffre en dessous de 50 indique une contraction de la production en usine.)

Aucun des 70 économistes sondés par l'agence Bloomberg n'avait prédit une telle chute, la prévision médiane donnant plutôt un recul à 52.

Une douche froide

La faiblesse de l'indice ne signifie pas que l'économie américaine ait rechuté en récession comme c'est le cas de celle de la zone euro où le chômage a établi un autre triste record en mai, à hauteur de 11,1%. Il faudrait pour cela que l'indice passe sous la barre de 42. On aura cependant une meilleure idée de la léthargie de l'économie jeudi avec la mesure de l'ISM non manufacturier, centrée sur les services qui représentent le gros de la puissance américaine.

C'est néanmoins une douche froide pour la première économie du monde dont le moteur de la faible reprise en cours avait jusqu'ici été la fabrication, qui représente 12% du produit intérieur brut.

Cette contraction reflète le ralentissement de l'économie mondiale qui limite les débouchés des exportateurs américains.

Bien des économistes s'attendent pourtant à un ralentissement depuis quelque temps déjà. Beaucoup craignent déjà le report d'investissements et d'embauches, compte tenu de l'impasse budgétaire au Congrès alors que la campagne présidentielle est lancée.

Faute d'accord politique, des coupes budgétaires jumelées à la fin des baisses d'impôt de l'ère Bush et des allégements fiscaux de l'ère Obama sont susceptibles de faire reculer le PIB au premier trimestre de 2013. Cela mine la confiance des ménages et des investisseurs.

Devant ces perspectives, plusieurs scénarios de croissance ont été revus à la baisse tant pour les États-Unis que pour le Canada.

L'inaction

La Banque Nationale ramène de 2,4% à 2,0% et à 2,1% sa prévision d'expansion chez nos voisins pour 2012 et 2013. «Les risques pour notre prévision de base sont bien sûr une crise financière mondiale due à l'Europe et un accident fiscal aux États-Unis, estiment Krishen Ragasamy et Matthieu Arseneau. Il y a certainement un potentiel non négligeable de détérioration due à l'inaction des politiciens.»

Les banques centrales

De leur côté, la TD et BMO Marchés des capitaux limitent l'expansion américaine et canadienne aux environs des 2%. «Il faut voir si le gouvernement américain pourra éviter le précipice fiscal que représentent la fin des programmes incitatifs, l'arrêt des réductions consenties et les compressions prévues dans les programmes, s'inquiète Craig Alexander, économiste en chef de la TD. Tout cela pourrait faire dérailler la reprise au début de 2013.»

Aux yeux de BMO, il ne fait plus aucun doute que la Réserve fédérale américaine doit lancer une troisième ronde de détente quantitative plus tard cet été.

Avant elle, on doit s'attendre à des gestes de ses contre-parties anglaise et européenne. Dès jeudi, la première devrait augmenter de 50 milliards de livres environ son objectif de monétisation de la dette britannique pour stimuler quelque peu une économie en récession et entravée par une sévère austérité budgétaire.

Pour la seconde, les paris se multiplient pour un abaissement du taux directeur de 25 centièmes, au creux historique de 0,75%. Cela donnerait un peu d'oxygène au secteur bancaire qui en a bien besoin.

Et peut-être aussi à l'Italie et l'Espagne qui doivent refinancer une partie de leur dette ce jour-là même.

En ce qui concerne l'économie canadienne, le consensus tourne autour d'une expansion limitée à 2% cette année, à cause de l'essoufflement des ménages et des risques externes.

Le 17 du mois, la Banque du Canada révisera légèrement à la baisse son scénario de croissance, désormais trop élevé après un faible premier trimestre limité à 1,9%.

Elle reconduira de nouveau son taux directeur à 1% où il risque de rester encore quelques trimestres.