Tandis que plusieurs pays européens mettent en place de nouvelles mesures d'allégement temporaires pour aider les régimes de retraite à prestations déterminées (PD) à réduire la valeur comptable de leurs engagements, les actuaires canadiens font la promotion du régime à prestations cibles (PC), moins contraignant pour les employeurs.

Tant en Suède qu'au Danemark ce mois-ci, les gouvernements ont adopté des mesures qui établissent un taux d'intérêt plancher pour le calcul de la solvabilité des régimes PD. Ce taux est traditionnellement calqué sur celui des obligations à long terme du pays (10 ou 30 ans, selon les pays).

Avec la crise de la dette publique européenne, les pays qui servent de refuge aux investisseurs (États-Unis, Canada, Suède, Danemark Norvège, Suisse) ont vu les taux de leurs obligations chuter à des creux historiques. Cela a eu pour effet de gonfler le passif des régimes de retraite et de réduire leur solvabilité.

Les nouvelles mesures adoptées en Suède et au Danemark ont diminué la demande pour les obligations à long terme dont les taux se sont mis à remonter, au grand bénéfice des régimes PD.

Depuis 2008, les employeurs doivent consacrer de plus en plus d'argent pour renflouer les régimes PD, au point où plusieurs d'entre eux veulent s'affranchir de leurs obligations en offrant un régime moins généreux à leurs nouveaux employés.

Pour limiter cet effet, Québec a choisi de reconduire jusqu'à la fin de 2013 des mesures d'allégement temporaires mises en place en 2009 jusqu'à la fin de 2011. Elles avaient été conçues pour parer l'effondrement des marchés boursiers qui avait fait fondre l'actif des régimes PD.

Problème de ballonnement

Or, en 2012, le problème n'est plus l'affaissement de la valeur de l'actif comme en 2008, mais le ballonnement de la valeur du passif, comme l'ont bien compris le Danemark et la Suède.

«Le gouvernement a préféré la solution facile de tout simplement reconduire les mesures de 2008 plutôt que d'introduire des mesures qui auraient été mieux adaptées au contexte actuel, reconnaît Claude Lockhead, associé principal chez Aon Hewitt. C'est insuffisant pour plusieurs promoteurs.»

En fait, ces mesures ne règlent rien puisque la solvabilité des régimes PD ne s'améliore pas malgré les millions que les employeurs doivent verser en prestations supplémentaires d'équilibre. Tout au plus permettent-elles d'étendre temporairement la période de rétablissement de la pleine solvabilité.

Voilà pourquoi les employeurs cherchent une solution permanente à leurs maux.

Ils ont d'abord opté pour des régimes à cotisations déterminées (CD) qui transfèrent le risque sur les épaules des participants, dotés chacun d'un compte où s'accumulent leurs cotisations et celles de leurs employeurs. Une fois venu l'âge de la retraite, ils doivent décider comment décaisser leur capital accumulé pour s'assurer d'une rente pour le reste de leurs jours. C'est un exercice pour lequel ils sont mal préparés et où le risque est élevé.

Les employeurs se rendent compte de cette grave lacune. La rareté de main-d'oeuvre qualifiée les incite à chercher une voie mitoyenne entre les régimes (PD), devenus trop coûteux et imprévisibles, et les régimes CD, peu attrayants pour les participants.

C'est ainsi que chemine l'idée de mettre en place des régimes PC. La semaine dernière, le Conseil du patronat a organisé un séminaire sur l'avenir des régimes de retraite où les avantages des régimes PC ont été présentés.

Aon Hewitt lance une publication sur les PC et fait circuler un document PowerPoint sur le sujet parmi sa clientèle. On les présente comme capables de répondre aux objectifs des employeurs et des employés.

Pour les premiers, les régimes PC favorisent l'épargne-retraite sans pour autant garantir une rente à la retraite. Leurs contributions s'apparentent donc à celles d'un régime CD.

Pour les seconds, le revenu de retraite est prévisible puisque la rente cible tient compte de l'espérance de vie. Le régime a les apparences d'un régime PD.

Pour qu'un régime PC fonctionne, sa mise en place doit être bien comprise par les participants. Les prestations pourraient être ajustées à la baisse si les provisions s'avèrent insuffisantes à long terme. En revanche, d'éventuels surplus leur appartiendront et l'employeur ne pourra prendre de congés de cotisations.

La politique de placement s'apparente à celle d'un régime PD, ce qui permet une diversification plus grande et des frais d'administration moindres.

Il va de soi que le remplacement d'un régime PD par un PC pourra donner lieu à d'âpres négociations dans les entreprises syndiquées. Moins âpres néanmoins que sa substitution par un régime CD.

Pour mettre en place un régime PC, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite devra être modifiée.