Le Québec a repris sa position de leader des biotechnologies au Canada en obtenant la moitié de tout le financement accordé au pays l'an dernier. Et même si le secteur subit encore les contrecoups de la crise financière de 2008, les entreprises commencent à s'adapter et des signes encourageants apparaissent à l'horizon.

C'est ce qui ressort d'un vaste rapport de la firme Ernst & Young, qui pose un diagnostic sur l'industrie des biotechnologies de plusieurs régions du monde, dont le Canada.

Pour la première fois depuis plusieurs années, le ton du document est optimiste.

«Le secteur des biotechnologies a mangé tout un coup en 2008 et les dernières années ont été difficiles, dit Paul Karamanoukian, responsable du secteur des sciences de la vie chez Ernst & Young au Canada. Mais les 18 derniers mois sont encourageants. L'année 2011 a été beaucoup plus positive que les années antérieures, et la tendance semble s'être poursuivie pendant les six premiers mois de 2012.»

L'expert constate que devant des investisseurs échaudés qui se sont détournés du secteur, les entreprises ont adapté leur modèle d'affaires.

Pour comprendre l'ampleur du changement, il suffit de pousser la porte d'entreprises québécoises comme Milestone Pharma ou Mimetogen. Sans laboratoire, ne comptant qu'une poignée d'employés, ces boîtes fonctionnent selon ce qu'on appelle le «nouveau modèle virtuel». Elles sous-traitent tout ce qu'elles peuvent, et conservent leurs frais d'exploitation au minimum.

Le contraste est grand avec les biotechs du passé, où il n'était pas rare de voir des entreprises en démarrage compter des dizaines de chercheurs épaulés par une équipe administrative en bonne et due forme comprenant un chef de l'exploitation financière, un avocat, un comptable et bien d'autres.

«Les entreprises se sont adaptées au manque de capital et font maintenant beaucoup plus avec beaucoup moins, observe M. Karamanoukian. Les plus faibles sont tombées, mais celles qui restent sont plus efficaces.»

Le Québec rafle le magot

Ce nouveau modèle semble plaire aux investisseurs. Le financement des entreprises de biotechnologies a bondi de 53% l'an dernier au Canada pour atteindre 739 millions de dollars, le plus haut niveau depuis 2007. Et contrairement à 2009, où la collecte de 733 millions avait été gonflée par un important financement de l'entreprise Biovail, aucune transaction ne vient cette fois causer de distorsion majeure dans les chiffres.

Après avoir été éclipsé au cours des dernières années par l'Ontario et la Colombie-Britannique, le Québec fait un retour en force. La province a obtenu 50% de tous les investissements l'an dernier, très loin devant l'Ontario, qui s'est contenté de 24% de la tarte.

Avec d'importants financements réalisés par Atrium, Medicago et AEterna Zentaris, la ville de Québec à elle seule a attiré plus de 200 millions, soit davantage que l'Ontario ou la Colombie-Britannique au complet.

Selon M. Karamanoukian, des histoires comme celle de la montréalaise Enobia, achetée en décembre dernier pour un prix qui pourrait atteindre 1 milliard, contribuent à l'optimisme au Québec.

«Un cas comme Enobia, ça fait de beaux rendements pour les investisseurs et ça crée une excitation dans le milieu», dit-il.

L'expert note aussi que les grandes entreprises pharmaceutiques comme GlaxoSmithKline, Merck et Pfizer ont annoncé des investissements dans des fonds destinés à la recherche au Québec.

«On voit beaucoup plus de collaboration entre tous les intervenants du milieu, que ce soit les petites entreprises de biotechnologies, les grandes pharmaceutiques, les universités ou les centres de recherche», dit-il.

La Bourse a continué d'être boudée par les entreprises de biotechnologies. Aucun appel public à l'épargne n'a été enregistré encore cette année. Le dernier dans le secteur au Canada remonte à 2007.