Oubliez les regrets et les dénonciations: c'est plutôt avec fierté et optimisme que le milieu de l'innovation québécois a accueilli la vente probable de Miranda (T.MT) à des intérêts étrangers.

Le conseil d'administration de Technologies Miranda a accepté hier une offre de 370 millions de dollars de l'américaine Belden, une transaction à laquelle les actionnaires semblent croire: ils ont propulsé le titre de Miranda de plus de 62% hier à Toronto pour l'amener à 16,87$, tout près du prix de 17$ par action offert par Belden.

«C'est un moment très excitant pour Miranda. En combinant notre entreprise avec Belden, nous étendons la gamme de nos produits, nous élargissons nos marchés et nous créons de nouvelles opportunités», a dit hier le président de Miranda, Srath Goodship, au cours d'une téléconférence.

Miranda, fondée à Montréal en 1990 par cinq ingénieurs, conçoit des logiciels et de l'équipement pour les télédiffuseurs et les câblodistributeurs.

De Montréal à Hong Kong en passant par les États-Unis, le Japon, la France, Singapour, les Émirats arabes unis et bien d'autres, l'entreprise emploie aujourd'hui 700 personnes dans une dizaine d'installations sur la planète. Miranda a généré des ventes de 182 millions l'an dernier auprès de clients comme Bell et TVA, mais aussi Fox, CBS et la BBC.

Le conseil d'administration de Miranda s'était fait brasser la cage plus tôt cette année par l'un de ses plus importants actionnaires, le fonds américain JEC Capital Partners. Celui-ci estimait les résultats de l'entreprise insatisfaisants et avait pressé le conseil d'agir. Un examen stratégique avait été lancé en mars par Miranda, et l'offre d'hier a été présentée comme le «point culminant» de ce processus.

Dans un message envoyé à La Presse Affaires, Peter Heiland, associé directeur de JEC Capital, s'est dit heureux de l'offre de Belden et a dit espérer que les actionnaires votent en sa faveur.

De bons échos au Québec

Si le Québec déplore souvent la perte de ses entreprises technos à des intérêts étrangers, cette fois, le son de cloche est différent. C'est que Miranda, loin d'être achetée pour une bouchée de pain avant de pouvoir prendre son envol, est acquise alors qu'elle est bien ancrée au Québec.

Belden a d'ailleurs fait savoir qu'elle ne «prévoit pas modifier quoi que ce soit aux activités existantes de Miranda, y compris aux activités de recherche et développement et de fabrication de Montréal». Aucun «changement majeur touchant la main-d'oeuvre» n'est aussi prévu.

Belden, une spécialiste qui fait aussi dans les technologies liées aux télécommunications, a expliqué que ce sont les produits complémentaires et l'expertise de Miranda qui l'intéressent.

«Nous avons plusieurs clients en commun, mais plusieurs n'appartiennent qu'à l'une des deux entreprises. Notre but est de faire des ventes croisées entre les deux listes de clients», a notamment expliqué John Stroup, président et chef de la direction de Belden. Inscrite au NASDAQ, Belden a généré des ventes de 1,98 milliard US l'an dernier.

«Je crois qu'il faut voir cette transaction comme une bonne nouvelle, dit Shahir Guindi, associé directeur de la firme québécoise Osler, Hoskin et Harcourt. C'est une confirmation qu'on a un secteur technologique encore très fort au Québec.»

Selon lui, la transaction contribuera à attirer l'attention des investisseurs étrangers sur Montréal.

«Ça permet de recycler le capital, croit aussi M. Guindi. Il y a des actionnaires québécois et canadiens qui ont fait de beaux rendements dans ce dossier. Ils vont pouvoir investir dans d'autres entreprises en démarrage et faire tourner la roue.»

Le Fonds de solidarité FTQ et Investissement Québec, qui détiennent respectivement 11% et 9,4% des actions de Miranda, sont de ceux-là. Les deux organismes ont dit hier étudier l'offre de Belden, mais accueillent favorablement le fait que Miranda suscite l'intérêt.

«Un moment donné, il faut reconnaître qu'on est dans un marché international. C'est un bon signe pour le secteur québécois des technologies de l'information. On vient reconnaître le dynamisme et l'expertise de chez nous», dit Patrick McQuilken, porte-parole du Fonds de solidarité FTQ.

Investissement Québec, par l'entremise de l'ancienne SGF, a investi en tout 28,4 millions depuis 2000 dans Miranda. Elle a réduit sa participation à deux reprises, engrangeant des rendements de 17% et 14%.