Les carrés rouges et les casseroles font du bruit et inquiètent les organisateurs de festivals et autres manifestations tapageuses ou vrombissantes.

Depuis quelques jours, ils augmentent aussi les coûts d'emprunt de Québec par rapport à ceux de l'Ontario, malgré les bons mots de l'agence de crédit Dominion Bond Rating System (DBRS) qui a reconduit la semaine dernière la note A (High) du Québec avec perspective stable.

«Les écarts de Québec se sont élargis d'environ 4 points de base [100 points égalent 1 point de pourcentage] par rapport à ceux de l'Ontario, et ce, sur l'ensemble de la courbe, observe Jean-François Godin, vice-président, recherches, chez Valeurs mobilières Desjardins. La crise étudiante a introduit un risque politique avec une probabilité accrue d'élections générales.»

Élections à l'automne

Les marchés s'attendaient à un scrutin printanier en 2013, ils sont en train d'escompter un appel aux urnes dès l'automne.

En dépit du plan budgétaire crédible de Québec qui prévoit un retour à l'équilibre dès la prochaine année financière, «les étudiants peuvent avoir une incidence négative sur les finances publiques», renchérit Benoit Durocher, vice-président directeur et chef stratège chez Addenda Capital.

Quatre points centésimaux de plus sur les coûts d'emprunt semblent peu de chose, si on ne prend pas en compte l'ampleur de la dette québécoise à (re) financer. Pour une émission de 500 millions de dollars, c'est 200 000$ par année de plus, ce qui représente 6 millions pour une échéance de 30 ans.

Le Plan budgétaire prévoit des emprunts de presque 15 milliards cette année, ce qui est par chance 5 milliards de moins environ que l'an dernier. D'ici au 31 mars, Québec doit néanmoins financer un peu plus de 11 milliards, soit l'équivalent de 22 émissions, grosso modo.

Sa dernière émission régulière remonte au 3 mai, si on fait abstraction de l'emprunt privé à taux variable de 110 millions d'une durée de 53 ans, réalisé le 17 mai.

L'élargissement des coûts d'emprunt avec l'Ontario renverse la tendance observée jusqu'au début du mois de mai. En décembre, l'écart entre les Québec et les Ontario, échéance 30 ans, s'élevait à 17 points.

En avril, il s'était rétréci jusqu'à 8,5 points, moins encore pour les échéances plus courtes. Le Plan budgétaire ontarien n'est pas convaincant aux yeux des agences de notation, son gouvernement libéral est minoritaire et l'opposition néo-démocrate a le vent en poupe.

Vendredi, l'écart était revenu à 12,5 points.

D'aucuns diront que c'est encore bien peu. Durant la période référendaire de 1995, l'écart avait atteint 55 points. Durant la crise financière de 2008-2009, il marquait 25 points.

D'autres argueront que l'Europe nourrit une nouvelle crise. Quand les prêteurs angoissent, ils achètent d'abord des titres sûrs comme les obligations allemandes, américaines ou canadiennes. Ils font la fine bouche avec les titres de provinces et se tournent vers les plus liquides. À travers ce prisme, les obligations ontariennes sont un peu plus attrayantes, la dette totale de l'Ontario étant plus élevée que la québécoise et ses émissions plus grosses (en moyenne 750 millions à 1 milliard comparativement à 500 millions).

Bref, l'incertitude créée par le conflit étudiant survient dans un contexte de grande nervosité des marchés.

À l'autre bout de la 401, Jacques Marcil apporte un autre éclairage. «La visibilité de la crise étudiante est récente, souligne l'économiste principal à la TD. Peut-être que c'est plus l'Ontario qui s'améliore que le Québec qui se détériore.»

Chose certaine, la une sensationnaliste du MacLean's d'il y a quelques jours ou celle très léchée du Globe and Mail de samedi poussent à la réflexion ceux qui ont des capitaux à faire fructifier.

Tandis que l'écart entre les Québec et les Ontario s'élargit, celui des Colombie-Britannique et des Ontario rétrécit. Les titres de la province pacifique sont pourtant moins liquides. «C'est la manière qu'ont trouvée les investisseurs d'exprimer leur scepticisme à l'égard du plan ontarien», suggère Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Banque Nationale.

Un autre élément vient brouiller les cartes. Les 1er juin et 1er décembre sont jours de coupon et d'échéances obligataires au Canada. Vendredi, 44 milliards d'obligations sont venues à terme tandis que 15 milliards ont été versés en intérêt aux prêteurs.

Devant cet afflux d'argent, les entreprises empruntent elles aussi. La semaine dernière, elles ont levé 1,9 milliard, comparativement à 1,75 milliard pour les provinces.