L'appauvrissement de la classe moyenne des économies avancées, conséquence de la crise financière qui est loin d'être surmontée, est encore mal compris par ceux-là mêmes qui le vivent.

Tout au mieux ont-ils le réflexe de voter pour changer de gouvernement, alors que les partis politiques traditionnels proposent tous la même médecine.

«Le politique est devenu ce théâtre de marionnettes sur lequel les démocraties occidentales perdent une énergie considérable à espérer un changement, écrivent Alain Germain et Edmond-Henri Supernak. Changement qui n'arrivera jamais. Et pour cause [...] La majorité des citoyens ne s'est pas encore rendu compte qu'elle se trompait de cible. Les politiques ont beau changer au gré des élections, le financier reste.»

Dans leur essai mi-pamphlet, mi-manifeste Tondus comme des moutons: La paupérisation des classes moyennes, les auteurs reprennent une analyse souvent lue au cours des dernières années qui met en lumière le pouvoir considérable que la mondialisation a concentré dans les mains des financiers. Et son corollaire, la capitulation de la classe politique.

Pour les lecteurs peu familiers avec le dédale de cette crise qui tire son origine dans la spéculation sur le marché de l'habitation aux États-Unis d'abord, mais aussi au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne, ils en brossent un tableau schématique à la fois crédible, efficace et à l'appui de leur thèse qui place le citoyen au coeur des réformes qu'ils préconisent. «La classe moyenne n'a pas encore assimilé complètement les conséquences sociales à moyen terme de la crise de 2007-2008, jugent-ils. En réalité, elle ne fait qu'entrevoir actuellement qu'elle s'est fait avoir à l'issue de ce non-débat.»

Non-débat qui a pour effet de privatiser les profits aux mains des financiers et de distribuer les pertes aux contribuables et aux travailleurs. Après la technobulle, la crise des prêts hypothécaires subprimes et leur orgie de produits dérivés toxiques, Germain et Supernak voient l'éclatement prochain d'une bulle de liquidités, gonflée par les assouplissements monétaires sans précédent des banques centrales.

Cette crise prochaine pourrait être plus grave encore, mais aussi de nature à conscientiser la classe moyenne de la nécessité de prendre les choses en mains pour ne pas se faire tondre davantage.

La troisième partie de l'ouvrage est consacrée à dégager des pistes pour cette prise de conscience, à proposer diverses réformes, qui convergent toutes vers une surveillance accrue des marchés financiers, et à donner quelques conseils pratiques pour se prémunir si possible.

Les auteurs font le constat que l'endettement permanent des États, des entreprises et des individus est sans issue. Place donc à une consommation responsable.

Ce serait une première étape vers ce qu'ils appellent «la recherche du vrai» qui doit déboucher d'ici une vingtaine d'années non seulement sur un réencadrement du système financier, mais aussi sur le rééquilibrage de l'économie «face à l'emploi, face à la société, face à l'environnement et face aux valeurs morales nécessaires dans toute société harmonieuse».

Curieusement, les auteurs croient que c'est la classe moyenne américaine qui sonnera l'éveil.

Pourtant, quelques pages plus tôt, ils anticipent une montée de l'inflation qui va encore gruger le pouvoir d'achat des classes moyennes occidentales. Ils y déplorent que les États-Unis impriment de l'argent pour acheter du pétrole et d'autres biens, consommés par leur classe moyenne.

Pour se prémunir de l'inflation, ils suggèrent étonnamment d'accéder à la propriété, dans la mesure de ses moyens, et même d'acheter quelques pièces d'or, krugerrands sud-africains ou napoléons français, même s'il s'agit d'une opération spéculative.

Ils exhortent enfin l'Europe, et la France en particulier, à stimuler des pépinières d'idées sociétales novatrices.

Et de conclure avec superbe: «Ce XXIe siècle sera citoyen... ou ne sera pas.»

Alain Germain en collaboration avec Edmond-Henri Supernak. Tondus comme des moutons: La paupérisation des classes moyennes. Buchet Chastel. 198 pages.