Assommés par une nouvelle facture de 5 millions de dollars par année pour la collecte sélective, les éditeurs de magazines du Québec ont décidé de ne pas se laisser faire et de contester devant les tribunaux la façon dont le gouvernement québécois leur impose ce fardeau.

Aussi en colère que les étudiants envers le gouvernement, les éditeurs de magazines soutiennent que le nouveau partage de la facture de la collecte sélective risque de tuer leur industrie, qui n'est pas exactement florissante.

«C'est une taxe déguisée», affirme Robert Goyette, éditeur de Sélection du Reader's Digest et président de l'Association québécoise des éditeurs de magazines. En outre, la part attribuée aux magazines dans le contenu du bac vert est «injuste et disproportionnée», selon lui.

Depuis l'adoption de la loi 88 sur les matières résiduelles en juin 2011, les éditeurs ont pris le temps de calculer le montant de la facture qu'ils auront à payer, de façon rétroactive à 2010. Et les cheveux leur dressent sur la tête.

La loi prévoit que les coûts de la collective sélective, qui étaient divisés à parts égales entre les municipalités et l'industrie, seront dorénavant assumés à 100% par les entreprises. C'est une première au Canada, selon le ministère de l'Environnement.

La facture totale a été divisée selon le pourcentage de papiers et de contenants qui se retrouvent dans le bac vert, soit 60% pour les contenants, 30% pour les magazines et les imprimés publicitaires et 10% pour les journaux.

Les éditeurs de magazines contestent cette répartition. «Les magazines ne représentent pas une aussi grande part du contenu du bac», soutient Félix Maltais, des Publications BLD. L'éditeur, qui publie les magazines jeunesse Les Débrouillards et Les Explorateurs, estime aussi que la hausse des contributions exigée par le gouvernement est trop élevée.

«L'idée n'est pas d'éviter de payer notre part, assure-t-il. Tout ce qu'on demande est d'être traité avec équité.»

Traitement différent

Les entreprises recevront une facture rétroactive à l'année 2010, pour tenir compte des délais engendrés par les changements à la loi et des modifications du calcul des contributions de chacun. Pour les éditeurs de magazines, la facture totale sera de 5 millions par année. «C'est 7 ou 8 fois plus que ce qui se paie en Ontario», précise l'éditeur de Sélection.

Le Groupe TVA, plus important éditeur de magazines au Québec avec des titres comme Le lundi et TV Hebdo, doit ainsi payer 3,4 millions en contribution à la collecte sélective pour 2010, 2011 et 2012. Ces coûts supplémentaires compromettent «sérieusement la viabilité et la stabilité financière de l'industrie», a dénoncé le président de l'entreprise, Pierre Dion, au moment de la publication des résultats financiers du premier trimestre. TVA a annoncé son intention de s'adresser aux tribunaux pour faire invalider certaines dispositions de la loi 88, et l'Association des éditeurs examine la possibilité d'un recours commun.

Ce qui fait mal aux gros éditeurs comme TVA fera encore plus mal aux petits, estime Félix Maltais. La mince marge de profit de l'éditeur des Débrouillards et des Explorateurs sera complètement éliminée par sa contribution aux coûts de la collecte sélective, qui sera de l'ordre de 40 000$ à 50 000$ par année, précise-t-il.

Le gouvernement voudrait tuer l'industrie du magazine qu'il ne s'y prendrait pas autrement, estiment les éditeurs à qui nous avons parlé. Abandonner l'édition papier pour le numérique n'est pas considéré comme une solution, du moins à court terme.

«Si les consommateurs veulent lire leurs magazines sur une tablette, on va y aller, mais ce n'est pas ça qu'on constate», dit Félix Maltais.

Les éditeurs de magazines n'apprécient pas non plus être traités différemment des éditeurs de quotidiens et d'hebdomadaires. La contribution de ces derniers au contenu du bac vert a été fixée à seulement 10%, et les journaux peuvent payer leur facture en partie en argent et en partie en espace publicitaire.

Ainsi, pour 2013, leur contribution est fixée à 6,5 millions, dont 3 millions en argent et le reste en espace publicitaire, alors que les éditeurs de magazines devront allonger 5 millions.

Certains éditeurs de magazines voient un calcul politique dans ce traitement différent. Les politiciens n'ont pas voulu se mettre à dos les éditeurs de journaux et d'hebdos locaux, croit l'un d'eux, parce qu'ils en ont besoin pour se faire élire. De même, soulager les municipalités du fardeau de la collecte sélective est plus payant électoralement que d'écouter les éditeurs de magazines, selon lui.

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EN CHIFFRES

130 millions/an

Coût de la collecte sélective au Québec

PARTAGE DE LA FACTURE

60%

Utilisateurs de contenants

30%

Magazines et autres imprimés

10%

Quotidiens et hebdos