Les actionnaires d'Astral Media (T.ACM.A) vont refuser ce matin en assemblée extraordinaire le paiement d'une prime de 25 millions de dollars qu'Astral voulait verser à son président et chef de la direction, Ian Greenberg, a appris La Presse Affaires d'une source sûre. Ce vote n'a toutefois aucune incidence sur la vente d'Astral à BCE qui sera vraisemblablement acceptée ce matin comme prévu.

Une majorité d'actionnaires de catégorie A, dont les «institutionnels», ont voté par procuration contre le versement de la prime, suivant ainsi les recommandations de vote formulées par les firmes de sollicitation de procurations comme ISS et Glass Lewis.

Joint au téléphone hier, Hugues Mousseau, directeur Communications corporatives et synergies chez Astral Media, n'a pas voulu commenter.

Le régime de primes et de fidélisation à l'intention de M. Greenberg et des employés clés d'Astral était l'un des aspects controversés de l'offre d'achat d'Astral par Bell. M. Greenberg se voyait récompenser pour sa contribution à la valorisation d'Astral pendant toutes ces années, la capitalisation boursière étant passée de 165 millions à 3,38 milliards sous son règne d'environ 15 ans.

Les autres membres de la haute direction devaient se partager 20 millions selon des modalités à être précisées ultérieurement.

Cette prime s'ajoutait à une série d'autres dispositions, qui permettaient à M. Greenberg de toucher 101,1 millions à la clôture de la transaction. Il devra se contenter de 76,1 millions après le vote des actionnaires ce matin.

Les 25 millions venaient s'ajouter à une prestation de cessation d'emploi de 5,9 millions qu'Astral versera à Ian Greenberg à la suite du changement de contrôle. Il est aussi prévu que la famille Greenberg reçoive également 50 millions pour ses actions spéciales, convertibles en deux actions B, et qu'elle obtienne une prime de 10% sur le prix de leurs actions avec droit de vote, de catégorie B, par rapport au prix proposé pour les actions A.

Le capital-actions d'Astral est formé de 53 millions d'actions A, habituellement sans droit de vote, de 2,7 millions d'actions B à un droit de vote, et de 65 000 actions spéciales multivotantes, convertibles en deux actions de catégorie B. Les actions spéciales appartiennent exclusivement à la famille Greenberg.

Des actionnaires inégaux

Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques, critique le traitement réservé aux actionnaires A dans la transaction BCE-Astral dans un texte qu'il a fait parvenir aux médias hier.

«Utilisant le poids de leurs actions votantes, les membres de la famille Greenberg ont exigé et obtenu 100 millions additionnels par rapport à l'offre initiale, un montant que BCE paie et qui aurait pu être versé aux actions A détenues par le public», y écrit-il.

D'après lui, si tous les actionnaires avaient été traités également, les actionnaires de catégorie A auraient reçu 52$ par action au lieu de 50$.

«Faut-il faire une bataille pour 2$ (par action) ou pour les principes d'administrateurs qui travaillent pour tous les actionnaires!!! [...] Une chose est certaine, cette opération ne passera pas à l'histoire comme un grand moment de la gouvernance des entreprises québécoises et canadiennes», tire-t-il comme conclusion.

Sans qu'il y soit obligé par loi, le conseil d'administration d'Astral a soumis au vote des actionnaires «A» le régime de primes et de fidélisation. Pour être adoptée, la résolution devait recevoir l'appui de la majorité simple des voix à l'exclusion des actions contrôlées par M. Greenberg lui-même.

À noter que les 25 millions qui ne seront finalement pas versés à M. Greenberg resteront dans les coffres d'Astral.

À l'assemblée extraordinaire de ce matin, les actionnaires doivent aussi se prononcer en faveur de l'offre de BCE. L'accord doit obtenir l'adhésion des deux tiers des voix de chacune des trois catégories d'actions et la majorité simple du vote combiné relatif aux actions A et B. L'arrangement sera selon toute vraisemblance entériné par les actionnaires.